jeudi 2 novembre 2017

"Les particules élémentaires" - quand Houellebecq relit "le meilleur des mondes"



Je l’avais lu peu de temps après sa sortie, il fut bon de relire maintenant "les particules élémentaires" de Michel Houellebecq. Paru en 98. J’avais oublié l’essentiel, mais avais retenu les détails les plus marquants pour ma cervelle de post ado, les obsessions de Bruno, le collège, le camping, la marâtre, des conversations scientifiques que je ne comprenais pas. Tout prit sens et dimensions lors de cette seconde lecture récente. Les maux de notre temps exposés avec détresse et détachement, une tentative historico-romanesque de la description de l’état du désir et des individus à la fin du second millénaire, la fatigue désespérante d’être soi, d’être homme ; les absurdités et les malheurs de la vie moderne, notre meilleur des mondes, l’explosion de l’individualisme, la fin de la sortie d’une vie traditionnelle et le chaos en découlant. M'apparurent aussi les figures de femmes magnifiques comme Annabelle, Christiane malgré tout, la grand-mère. Le livre joue perpétuellement sur une ambiguïté, Houellebecq veut-il vraiment cette fin de l’humanité, cautionne-t-il cette plongée en enfer de l’individu qu’il accompagne avec tendresse ?

N’est-ce pas la pratique miséricordieuse du romancier qui accompagne son personnage jusqu’au bout sans le juger ? Houellebecq expose et va jusqu’au bout de ses limites sans exposer ce qu’il faudrait faire ou tenter de comptabiliser les péchés des uns et des autres.

Il me semble qu’un chapitre résume le livre mieux que tous les autres et je souhaiterai m’y arrêter. Il s’appelle "Julian et Aldous". Il se situe au centre du livre. Il décrit une conversation entre les deux demi-frères, héros du livre, Bruno et Michel. Ils discutent du "meilleur des mondes" et du destin et des pensées des frères Huxley. (revoir ici pour quelques souvenirs)

Il y a, je crois, une belle mise en abîme et un souci particulier donné à ce chapitre par l’auteur, au point qu’il me semble que Houellebecq nous donne la clé de son livre ou, au moins, son point de départ créatif.

Mise en abîme car, il nous est donné à voir chaque personnage du roman comme représentant d’un frère Huxley.
Résultat de recherche d'images pour "julian aldous"
Bruno, comme Aldous Huxley, n’est-il pas écrivain, autant contempteur du monde technique que tombant à pied joint dans tous les pièges sexuello-spirituelle ? Ces recherches personnelles sur la sexualité (pour ne pas dire son obsession), la religiosité new age. N’est-ce pas lui qui dans la conversation loue le livre d’Aldous Huxley en notant combien le monde ressemble ou veut tendre à ressembler à tout ce qu’écrit Aldous Huxley et combien notre époque est hypocrite en croyant s’en distancier et à regarder avec effroi le monde proposé. Ce frère Huxley fut parallèlement un des portes étendard de la culture hippie, libération sexuelle, religiosité hindoue, new age, désir de l’explosion de la potentialité personnelle par le développement personnel.

Michel, comme Julian Huxley est biologiste et artisan du meilleur des mondes par ses recherches et ses espoirs que son frère n’a fait que représenter dans "le meilleur des mondes", au départ avec jubilation et ensuite avec esprit semi-critique. Julian est le scientifique rationnel et le théoricien anthropologique de ce meilleur de monde.

Ces deux frères se retrouvent comme architectes de ce monde parfait. Michel et Bruno commencent à vivre dans ce monde parfait et même le réalisent. Dans ce chapitre au milieu du livre ils évoquent ces deux frères.

Ils portent le même constat que les frères Huxley, Il y a eu une transformation anthropologique lourde : la modernité et la séparation des éléments traditionnels de la vie, chaque humain tendant de plus en plus vers l’autonomie personnelle, les désirs sont libérés, le religieux n'a plus le même sens que par le passé, nous sommes passés à une situation où le "je" était le singulier du "nous" à une situation où le "nous" est devenu le pluriel du "Je" comme dirait Olivier Rey. Houellebecq ne développe ici, ni ne synthétise trop en détail cette mutation anthropologique.

De cette révolution naît le matérialisme et la science moderne, de chacun va naître l’individualisme et le rationalisme. Chacun de frères Huxley et de Michel et Bruno vont représenter une de ces branches, conséquences de cette mutation.

Les frères Huxley dans leur projet et l’anticipation, les demi frères Michel et Bruno dans l’exploration et la vérification de ces thèses. Tout en montrant que nous sommes tous plus ou moins trempés dans cette histoire.....

Je crois que le livre souhaite montrer trois choses. Premièrement que nous vivons une époque où deux frères jumeaux dominent. Ce que Bruno et Michel appellent le mouvement hippie, et la "démocratie sociale suédoise". Le premier représenté par Aldous Huxley et son livre "l’ile" (Dont Aldous parlera comme l'ultime chance donné au sauvage pour vivre hors du meilleur des mondes.) et le second représenté par Julian Huxley et l’image de ses recherches, le meilleur des mondes ; que notre monde est un gloubiboulga de ces deux perspectives opposées et jumelles, conséquences de la mutation anthropologique.

Il montre enfin que la vision hippie d’Aldous Huxley n’est pas viable à long terme. Selon Houellebecq, Aldous ne voit pas qu’en « libérant » l’homme et ses désirs, on installe une compétition infinie entre eux, ne créant ensuite vanité, rivalités, cruauté et malheur, notamment sur le plan sexuel et financier, le saupoudrage de religieux ne sert à rien, il reste la drogue et les antidépresseurs, logique finale du mouvement individualiste représenté par Bruno. Houellebecq est alors très convainquant, la pitié que nous inspire ce personnage et le monde qui s’y associe prend les tripes.

Enfin, il montre que le mouvement rationaliste est plus conséquent, la mutation peut enfin s’accomplir non pas par le mental mais par la génétique biologique chère à Julian Huxley. Il cerne comme toute tradition philosophie et religieuse, le danger des désirs humains et le contrecarrent… Les recherches de Michel sur la reproductibilité parfaite des brins d’ADN, permettent un homme immortel, mais ce n’est plus l’homme. Un homme sans sexualité, ni différenciation sexuelle, ni engendrement sexuel, sans désir, ni mortalité n’est plus un homme. Houellebecq semble aller au-delà de tout jugement, Il voit en Michel et son comportement rationaliste, dans les désirs de « démocratie sociale suédoise », le trans humanisme, le désir d’en finir avec l’homme, espèce tragique, sexuelle et passionnée. "Le meilleur des mondes" est notre avenir et nous le voulons. Tout désir de trouver un échappatoire est illusion. Le transhumanisme est la logique de l'évolution de la psyché humaine moderne.


Oui, je crois que le livre est résumé dans ce chapitre.

Je me souviens (je n’ai plus la source) d’une interview où Houellebecq montrait son mépris de la théorie mimétique de Girard qu’il ne comprenait pas, je crois. Pourtant, nous pouvons voir des grands points communs. Il ne voit pas le mécanisme mimétique et le lien entre perte du système traditionnel, individualisme et vanité, malheurs compétitifs. (alors qu’il est tout proche de l’exposer point par point…), ensuite pourtant, il voit tout à fait les mouvements sociaux dramatiques qui y succèdent.

Dans une situation de mutation anthropologique, Girard parle d’Apocalypse, quand il suit l’histoire du désir, c’est-à-dire, d’une situation de révélation où les hommes son face à leur propre violence et ont le choix entre l’autodestruction et la conversion au Christ, synonyme d’accueil de notre désir et de son juste objet. Houellebecq voit la cruauté et l’autodestruction dans la bêtise et la drogue mais il n’est pas aussi radical, le choix se fait dans l’abrutissement par la médication et le transhumanisme qui signifie la mort de l‘homme. Il travaillera plus tard sur le fondamentalisme, il s’interrogera sur l’art et les merveilles de l’amour homme femme, mais la rencontre du Christ ne s’est pas encore fait, son dernier livre (Soumission) pourrait presque s’appeler "comment je ne me suis pas converti au catholicisme malgré tous les chrétiens qui ne cessent de me rappeler que je devrais l'être…….."

C’est ce qui fait le désespoir lucide de Houellebecq, le monde est une souffrance déployée. Mais ses livres nous sont bouleversants et si nécessaires….
(Je recommande le livre de Maris sur Houellebecq (Houellebecq économiste) pour les plus curieux)


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prise de note au fil de la lecture du chapitre

vendredi 13 octobre 2017

L'animalisme par Francis Wolff

Je vous propose une émission intéressante de Francis Wolff sur l'animalisme et ses limites. Une base intéressante pour discuter, il me semble, sur ce phénomène aussi logique que dommageable...

Le bien-être Animal, sujet à la mode, mais soyons attentif aux excès. Élargissement de l’humanisme et de notre sensibilité ou signe de l’appauvrissement de notre relation avec notre humanité et notre animalité ?

On nous demande tout de même d’acquiescer, l’homme est un bourreau, l’animal une victime. Voyons les dangers.

A Indifférenciation


Souvent cette tendance montre l’homme comme un animal comme les autres. Contradiction, douce ambiguïté, l’animal est-il hors ou à l’extérieur de nous ? Ces personnes jouent avec ces distinctions pour mieux les annihiler. Comment faire ?

L’homme est un animal comme les autres, mais puis que nous sommes nous-mêmes animaux, nous devrions traiter les animaux comme nous traitons les êtres humains. On l'inclut puis on l'exclut dans la conclusion, c’est un sophisme dit mr Wolf... Si nous étions des animaux comme les autres on ferait comme eux et nous nous moquerions des autres.

Si nous sentons que nous avons des devoirs et que l'animalité ne suffit pas à nous définir, nous perdons tout avec des argumentaires indifférencialistes.


B Perte de la diversité de notre relation aux animaux.

Souvent, la protection animale limite leur perspective aux mammifères. Nous ratons la diversité des animaux. Plus encore, cette diversité n’est plus prise en compte, plus le régime juridique des animaux est mis en avant. Être vivant doué de sensibilité ? Mais quelle mesure pour l’éponge ? Que ferait le droit entre le loup et l’agneau. Certes un animal n’est pas un meuble, mais cette définition nous conduit dans une impasse théorique et morale.



C symptôme de notre modernité

Ces attentions positives envers les animaux viennent dans un monde où l’animal est partie calculable en viande et défection, en pleine chosification du vivant. C’est la sous-prolétarisation de l’animal moderne. Wolf voit un lien avec l’autre excès qui est la personnification de l’animal. Pour éviter d’en faire une chose (ou de voir que nous en faisons des choses ?) Erreur symétrique et les animaux ne gagnent rien.

Wolff voit dans cette symétrie, l’appauvrissement de la situation de l’homme dans son imaginaire. Imaginaire citadin qui ne voit plus que l’animal domestique et perte de sa place classique et traditionnelle. Il n’y a plus de frayeur, de compétition, de sacrifice, de collaboration, de lutte, de relations familiales,  nous ne luttons à peine plus contre les nuisibles. Les affects étaient nombreux : compagnie, adoration, chasse, combat, jeux, extermination, amitié et inimitié immense. La dimension affective a tout pris et cache ce que nous ne saurions voir. Tout cela a pour origine l’appauvrissement de notre relation avec la variété des espèces.
Tout cela est favorisé par le mythe hyper technique de l’harmonie entre espèce. Image de la nature bienveillante et aseptisée dont vient une nouvelle morale hors de toute lois universelles et seulement centrée sur le sens de la victime. Il n’y a plus de sens de l’universalité, de la communauté, perte des devoirs.
Nous ne voyons pas que ce droit de l’animal est réducteur pour nos devoirs vis-à-vis des animaux. La compassion mange le sens de la justice.
Nous voyons aussi une indifférenciation, provoqué par l'oubli de de ce que nous devons aux animaux pour que l'homme apprenne à s'identifier. L'égalitarisme ensuite indique un signe égal entre tout ce qui est vivant et capable de sensibilité, mais ne voyons nous pas que l'égalité des individus vivants est contraire à l'équilibre des vivants. l'animalisme est ennemi de l'écologie.
L'animalisme vient aussi de l'extension de la sphère de la communauté morale. Mais qui sommes nous ? Nous qui devons traiter l'autre comme nous-même ? L'animalisme est le signe de cette contradiction et de cette hésitation.
L'âge classique voyait l'humanité entre Dieu et animaux… En enlevant le premier, l'âge moderne tend à enlever la frontière avec les seconds…
Plus de Dieu pour limiter nos actions, plus de bêtes pour nous mesurer. Nous ne savons plus qui nous sommes et nous ne savons plus qui n'est pas nous…
On ne gagne jamais à assimiler et confondre.
Une réciprocité et un sens de la justice est il possible avec les animaux ? Le sens moral ne nous oblige pas d'élargir la communauté à d'autres vivants mais devrait provoquer notre intérêt au contrat de décence rompu qu'est l'utilisation des animaux dans l'industrialisation.

lundi 26 juin 2017

Olivier Rey - Trinité, trois textes

Voici ci-dessous trois présentations et tentatives de résumés de trois textes d'Olivier Rey.

Je me passionne pour le travail actuel d’Olivier Rey (voir plusieurs textes ici) Son travail sur Illich et la mesure, l’auto-construction, il y a la une richesse folle et des textes, des livres me paraissant indispensables.

J’aimerais présenter trois textes de conférences ou articles parus ces dernières années. Cela fera une Trinité. Cela tombe bien car chacun parle plus ou moins explicitement de la Trinité (et évoque chacun le Christ) mais je peux aussi les distinguer chacun dans l’ordre par une attention plus spéciale pour le Père, le Fils et le St Esprit.

Rey montre (entre autre...) avec culture et talent en quoi le monde, les hommes et la culture discutent nécessairement avec les dogmes chrétiens.
Mythe et logique : Le Père ; Le rationalisme est perte de l’origine comme ce qui me fonde et m’engendre. Une société qui l’oublie, pourtant, perd tout jusqu’à son rationalisme

Hopper et l’annonciation suspendue : Le Fils ; Rey distingue chez Hopper par une analyse pointue une poursuite de la méditation de grands maitres de la peinture sur l’annonciation. Moment de l’incarnation et moment où le Christ rend possible un chemin de crête entre l’idolâtrie et l’iconoclasme, la possibilité de la juste représentation comme le Christ fut l’image de Dieu.

Pourquoi il a été dit que Dieu était mort. Le Saint Esprit : Une société d’individu est une contradiction dans les termes. Nous vivons une hérésie marquée par le meurtre du Père, venant elle-même d’une dislocation de la Trinité venant elle-même d’un oubli du St Esprit. Relation, médiation, celui par qui Vérité et Charité se rencontrent.



Mythe et logique

En commençant par un résumé de Homo Faber de Max Fritsch, Rey présente sa thèse, il y a risque d'involution, de déstabilisation existentielle quand les sociétés sapent ce qui la fonde. Les sociétés modernes s’enivrant de leur progrès, détruisent ce qui les portent.

Avant d’accéder à la science, il faut accéder à l’humanité. Chemin d’autant plus difficile quand on méconnaît les paroles des hommes qui avertissaient du danger.

Rey médite ensuite sur l'interdit de l'inceste vu comme universel par les scientifiques. Celui-ci n'est pas une pratique "eugéniste" mais un interdit participant à l'institutionnalisation des êtres humains par le refus du mélange des générations, principe de raison qui distingue cause et effet. On peut voir cet interdit comme un chemin de protection des bases de la raison commune.

Puis Rey défend Descartes que l'on juge trop souvent symbole de l'orgueil de la raison alors qu'il aperçoit derrière l'ego, la transcendance. Le sujet est assujetti à la causalité mais aussi instance où la causalité se découvre. L'origine se dévoile origine à partir de ce commencement qu'est la raison. Trop souvent l'homme commet "l'usteron prosteron" nommé par Husserl, prétendre déduire des idées de principes qui découlent de ces idées mêmes. C’est un refus de voir la vérité en solidarité avec le chemin qu'il a fallu pour la trouver. Orgueil du refus du créateur ou du procréateur qui sont toujours inconséquence de la pensée. C'est l’exemple de Don Juan congédiant tout sauf l’arithmétique et ne voit pas qu'il congédie tout ce qui permet d'arithmétiser.

Mythe et logos, au départ ce sont les deux manières de s'exprimer chez les grecs, le muthos venant de la personne d'autorité et le logos, la personne sans autorité devant argumenter et user de raison. Avec le logos l'enjeu est l'adéquation avec la réalité. Ce n'est pas le problème du mythe, car cette parole n'est pas séparée de ce dont elle parle. La vérité (aletheai) est dévoilement non par la langue de ce qui est en dehors d'elle, mais dévoilement dans la langue de ce qui est. Si la philosophie est au mythe ce que le réveil est au rêve, le mythe est aussi une recherche de sens qui ne revient pas sur elle-même. Nos mythes pris dans le premier degré de notre dépendance aux origines

Le mythe est malheureusement méprisé, seulement enfance du discours, symbole. C'est une erreur de perspective particulièrement visible au temps des lumières pour qui la raison vient en premier, les prêtres, les religions et les traditions n'étaient qu'entraves.... La conséquence est une perception de l'humanité qui renaît à chaque génération. Il n'y a plus de repère moral mais des moyens et des fins qui s'articulent en dehors de la raison. Il n'y a plus de lien entre sagesse et raison devenue simple outil applicatif que n'importe quel désir peut manier alors qu'il faut une mesure au désir.

Se prémunir à grands renforts d’esprit critique contre la tradition et la pensée mythique n’aboutit qu’à se livrer à des déterminations bien moins dignes de nous guider.

Les mythes expliquent l'origine par des éléments qui occultent leur propre origine, il montre aussi combien la lutte des affects a conduit vers l'ordre. L'homme peut entrer en scène après la découverte de la limite par le Dieu et la fin des conflits sans nom entre eux, par l'établissement sanglant de l'ordre. Le mythe est la figure d'un passé transcendantal, conscience des événements sur lequel elle s'est construite et qu'elle n'avait pas possibilité de nommer. Comment aller vers l'origine ?

Bible, mythe non mythiques

La Bible propose un nouveau cheminement, Le Dieu ordonnateur est posé à l'origine. La mythologie est court-circuité et renvoyé dans les affaires humaines et les conflits entre l'institution de l'alliance et la constante résurgence de ce qui s'y oppose. Les hommes cheminent et comprennent que leur commencement n'est pas l'origine, à l'origine était le logos qu'ils découvrent non comme point de départ mais ce vers quoi ils vont. C'est ce chemin que les traditions aident avec les richesses mythico mythologiques.

La rage rationnelle déplore ce qu'elle provoque, c'est à dire le retour à l'irrationalité, l'oubli de l’émergence de la rationalité. La transmission des mythes est essentielle à la pérennité de la raison.

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Hopper l'annonciation suspendue.


Après avoir souligné la sensation partagée face à un tableau de Hopper, Olivier Rey développe une thèse. Hopper est biberonné de tableaux classiques (Fra Angelico, Vermeer) dont il modifie des points de vue, des gestes, il les insère dans une banalité quotidienne et moderne.



Pourtant Rey nous invite à retrouver les modèles anciens et en particulier des tableaux rappelant l'annonciation et nous montre un Hopper métaphysique, homme de modernité se situant à une frontière. Est-ce que les grands récits religieux du Christianisme sont encore opérants dans un monde qui empêche l'accès au réel ou bien tout cela n'est-il pas une grande farce que notre monde banal et prosaïque ne pouvait qu'oublier ?

Signe d’une déréliction moderne ou découverte d'un au-delà métaphysique et invitation mystique ?

Par ce rapprochement, Rey nous aiguise le regard des symboles et des techniques, nous nous émerveillons de la recherche sur l'image de Marie et de l'incarnation et de sa représentation par les grands anciens et Hopper.

Hopper semble particulièrement questionné par l'annonciation, nous y lisons les images du temple, du passage de l'ancien au nouveau testament.

Hopper ne semblait pas très religieux, élevé dans un protestantisme puritain avec lequel il avait pris de la distance mais d'où il reconnaissait son origine, il s'attriste dans ses tableaux de la place perdu des églises dans certains de ses paysages peints. La peinture semble ce qui fut pour lui le moyen de se rapprocher de la réalité, loin de la sola scriptura ou des tentations païennes.

Hopper, comme peintre, fait face au 2nd commandement de la non-représentation par risque d’idolâtrie. En effet, la Chute a altéré l’image, le lien entre le visible et l’invisible a été non pas rompu mais faussé.

L’incarnation du Christ a modifié la situation. Le visible est redevenu capable de faire signe vers ce qu’il ne montre pas, de témoigner, de conduire vers lui… Le Christ révèle que les corps humains sont porteurs de l’Esprit et les visages spirituels.

Le Christ est venu lever le voile du péché et rétablir l’image authentique de Dieu dans l’humanité et la création. Telle est la doctrine chrétienne qui permet de comprendre, à la fois, l’interdit du Décalogue, et la possibilité de la représentation ouverte par l’Incarnation.

L’annonciation étant moment de l’incarnation, elle est l’origine de la représentation, elle reçoit sa possibilité et son sens. Et en même temps plus grand défi, c'est un échange de parole, consentement mais surtout elle est antinomique comme la forme de la révélation : Mystère insondable et révélation incessante. Et les deux membres de l’antinomie sont nécessaires pour l’idée de révélation : s’il n’y a pas de mystère et de profondeur, si l’objet de la révélation peut être connu et sondé jusqu’au fond par un acte unilatéral de la cognition, nous avons un savoir et non pas une révélation. L’inaccessibilité du mystère est corrélative à sa connaissance. Et comme dit Hadjadj, L’image doit toujours représenter ce qui fonde l’interdit de la représentation, le refus de toute idolâtrie.

L’école artistique moderne dit qu’il est impossible de relever le défi directement, cela va jusqu’à Rothko. Hopper explore une autre voie. Il pousse la tension entre figuralisme (c’est cela) et l’abstraction (ce n’est pas cela)

Marqué par théologie négative du protestantisme, Hopper joue cette tension et montre le risque de tomber dans le banal ou dans la disparition du figuratif (sun in a empty room, image du mariage, séparation des deux personnes représentés par les lumières mais venant tous les deux de la même lumière…). Il chercha, avec sérieux et beaucoup d’humour, la ligne de crête entre « c’est cela » et « ce n’est pas cela », le lieu de la rencontre entre Dieu et l’homme. Rencontre au-delà de toutes les idolâtries

Rey finit par l’analyse de « Gas station » référence à la visite d’Abraham par trois mystérieux personnaages. Genèse 18, Dieu comme Trinité… Clin d’œil encore à l’annonciation
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Pourquoi il a été dit que Dieu est mort.

St Esprit

Olivier Rey tente la généalogie du monde où nous sommes. Comment en sommes-nous venu à cette situation paradoxale d’une société moderne occidentale du culte de l’individu. Religion d’autant plus paradoxale qu’elle s’ignore elle-même et créatrice d’une société où ce qui rassemble est aussi ce qui sépare. Une société basée sur l’illusion de la préséance de l’individu par rapport à la société qui la fonde, basée sur cette phrase (paradoxalement chrétienne) de Nietzsche « Dieu est mort » et où derrière se cache la mort du père, de l’autorité perçue comme illégitime. Ne sommes-nous pas tous des adolescents perdus en lévitation ?

L’individu n’est-il pas pourtant une conquête chrétienne ? Rey relativise. Le christianisme n’est pas la religion de l’individu roi, mais de l’individu en relation avec Dieu et les autres dans le saint Esprit.

Nous vivons un temps de religion hérétique.

La thèse de Rey est que cette société est née de la désarticulation de la Trinité. Celle-ci fut délégitimée par un prétendu archaïsme, contraire à la raison.

Rey, en insistant sur l’humilité qu’il faut pour un tel sujet, propose une approche de ce mystère pour nous en faire sentir ce qu’il a d’essentiel et défendre sa thèse sur notre société hérétique.

Tout comme Dieu, la Trinité n’est pas déductible. N’est-ce pas ce qui fonde notre raison ? Mais approchons nous-y par cette raison même. Suivons Pascal, la raison doit reconnaitre ce qui la dépasse.

La Trinité en trop peu de mot : La Trinité a été pris en otage par les rationalistes, il fallait choisir la foi ou la raison.

Pourtant Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος. In principio erat verbum ? Simone Weil proposa comme traduction au mot logos : médiation. Si le Christ peut être à la fois médiation entre les hommes et Dieu, et Dieu lui-même, c’est que la médiation, elle-même est Dieu.

Et la médiation que le Christ établit entre les hommes et Dieu, c’est aussi la médiation divine entre le Père et le Fils, unis par le Saint Esprit.

La Trinité est la forme du Dieu d’amour, le mode de l’être-avec est contenu en lui. Aucun repli, Il est déjà amour de l’autre et médiation. L’amour de Dieu pour les hommes est expansion de l’amour de Dieu pour son fils, dans le Saint Esprit (et réciproquement, L’amour des hommes pour Dieu…) La Trinité constitue l’unité (comme les trois personnes font celle d’une langue) chacune ne serait rien, si les autres ne le faisaient tout.

Dislocation de la Trinité par l’estompement de l’Esprit Saint : Le Saint-Esprit est difficile à représenter (peut-on représenter une relation ?)

Rey en profite pour parcourir les disputations du filioque. Les personnes de la Trinité se différencient par leur relation. (Le père principe, Le fils procédant du Père, l’Esprit Saint procédant du père et du Fils)

L’estompement du Saint-Esprit provoque nécessairement la séparation du Père et du Fils ; c’est à terme la séparation de la vérité et de l’amour. La séparation entre Dieu horloger et le Christ aimant. Les contemporains choisissent un Christ sans Dieu, homme supérieur, modèle d’altruisme, révélateur de la vie de l’homme et de la mort de Dieu, il délivre de l’oppression du Dieu tout puissant, de l’absolu dont on ne saurait croire qu’il ait pu prendre chair en demeurant l’absolu. La vérité n’est plus universelle avec un Christ déterminé historiquement.

Blasphème dit Simone Weil, C’est oublier le « je suis la vérité ». La Trinité, nous aide à concevoir qu’il faut unir ce qui est différent. Connaitre et aimer : c’est la vérité, c’est le saint Esprit. Quand on l’oublie, connaissance et amour se disjoignent.

On imagine Dieu comme tout cerveau. Dieu est mort devient une bonne nouvelle.

Après, nous avons un rationalisme sec ou alors un sentimentalisme faux et même leur coexistence dévastatrice. Vérité sans pitié et pitié mensongère (vertus chrétiennes devenues folles).

Méditons toujours la phrase de Jésus, « qui m’a vu a vu le Père », comblons le fossé.

La mort de Dieu était le congédiement du Père trop lointain. Martelons-le : La vie terrestre de Jésus révèle le père. Le père ne donne pas seulement lui-même mais plus que lui dans le Fils. Il faut voir la souffrance du Père dans la mort du Fils et nos péchés et se réjouit du retour des égarés.

Prudence, contemplation et humilité face à ces mystères
Simone Weil, « les dogmes de la foi ne sont pas des choses à affirmer. Ce sont des choses à regarder à une certaine distance, avec attention, respect et amour."

dimanche 28 mai 2017

Veronique Dufief et le desir métaphysique du manico déressif

J’ai rencontré par les hasards du net,(ici, , encore ici et la) Veronique Dufief, qui en plus d’une large expérience sur la littérature du 19e, exprime par livres, interviews et conférences son histoire avec la maladie de la bipolarité. Je vous propose quelques vidéos et souhaite commenter deux interviews. On peut être rebuté par la dimension psychologo-spirituello-hypersensible mais il me semble qu’il y a là quelque chose d’important et de profond. Je ferai même des points de liaison avec René Girard (on ne se refait pas…)

A travers ce témoignage, Veronique Dufief nous fait sentir la souffrance des maladies psychologiques et particulièrement de la bipolarité, syndrome maniaco-dépressif. Désespoir, tristesse, abandon, manie, « siphonné », exutoire délirant et souffrance dont on distingue les causes mais qui reste là avec son manque et son trou. (Le mal de vivre de Barbara comme image ?)
Elle ne mésestime pas la dimension chimique des traitements et leur utilité, elle parle de leur dimension sociologique mais elle se concentre sur leur dimension spirituelle. Elle est là pour partager une expérience de foi au Christ qui guérit.
Elle affirme que la bipolarité est l’accentuation dramatique et maladive (Hubris ?) de la situation psychologique des hommes. Nous avons tous le trou, le manque d’amour. Les bipolaires sont quasiment la démonstration par la folie de la dimension métaphysique du désir humain. Nous savons ce trou, ce désir d’aimer et d’être aimé. Mme Dufief y voit la source du désir humain infini et la base de notre individualité, et la possibilité de la relation et de l’extériorité. On ne vainc pas ce trou, il est toujours déjà présent, on ne le combat pas.
Son chemin de « guérison » (déjà présent mais toujours à venir) a été l’acceptation, le consentement à l’existence de ce trou, de ces souffrances qui y sont lié. Ce consentement a été permis, selon elle, par sa relation avec Dieu qui est l’inconnu de ce manque. Accepter cette souffrance, accepter même que notre relation à Dieu soit blessée (blessure qui crée ce manque ou l’inverse fou du délire « mystico-dingo ») et en faire un chemin avec le Seigneur et son amour pour nous et un chemin du retour à la réalité.
Son livre s’appelle la souffrance désarmée. Beau titre indiquant un chemin où la souffrance ne serait plus armée de la révolte, de la colère et de la peur. Elle dit dans une vidéo que nous pouvons même faire de notre souffrance un doudou, une arme contre le monde entier et contre nous-mêmes.
Ne luttons plus, déposons les armes ? Message horriblement pacifique et illusoire ? Que dans la mesure où nous ne voyons pas que notre révolte devient lutte armée contre le fameux trou et donc nous-mêmes…
Mme Dufief en vient à dire que les malades peuvent devenir comme le Christ des guérisseurs souffrant en faisant découvrir aux autres cet abandon de l’amour désarmé.

Dire que la bipolarité est l’expérience de tout homme me semble très proche de la « sagesse girardienne ». Dufief (a-t-elle lu Girard ? C’est fort possible en tant que prof de littérature….) voit le manque universel, qu’elle associe au désir et à l’institution de l’individualité. Comment ne pas se souvenir de l’aveu de Girard : Tout désir est désir d’être. Une grande partie du travail de Girard sur le désir mimétique est de montrer que notre désir n’est pas autonome, qu’il ne sait pas que désirer et que s’il ne s’arrête pas en Dieu, il se plonge dans les faux infinis, les mécanismes de violences contre soi-même, les autres. La bipolarité est selon lui le mouvement naturel du désir face aux obstacles que sont devenus les autres pour nous. Nous le surpassons, mais il nous arrête d’autant mieux que nous avons cru le surpasser. C’est le scandale girardien. Une fois pris dans la dialectique de l’obstacle, nous ne pouvons plus en sortir. Chez le bipolaires, les hauts et les bas face aux obstacles sont décuplés et approchent du délire. Il y a des pages admirables chez Girard (notamment quand il écrit sur Hölderlin) et Oughourlian sur ces phénomènes. Nous sommes tous malade d’amour, nous sommes tous fous dans une certaine mesure, cette lucidité est le chemin obligatoire pour la guérison.
« Le maniaco-dépressif a une conscience particulièrement aiguë de la dépendance radicale où sont les hommes à l’égard les uns des autres et de l’incertitude qui en résulte. Comme il voit que tout, autour de lui, est image, imitation et admiration (imago et imitare, c’est la même racine), il désire ardemment l’admiration des autres, c’est-à-dire la polarisation sur lui-même de tous les désirs mimétiques et il vit l’incertitude inévitable – le caractère mimétique du résultat – avec une intensité tragique. Le moindre signe d’accueil ou de rejet, d’estime ou de dédain, le plonge dans la nuit du désespoir ou dans des extases surhumaines. Tantôt il se voit au sommet d’une pyramide qui est celle de l’être dans son ensemble, tantôt au contraire, cette pyramide s’inverse, et comme il en occupe toujours la pointe, le voilà dans la position la plus humiliée, écrasé par l’univers entier. (Des choses cachées… pp. 331-332)
Dufief retrouve Girard dans son analyse du désir métaphysique (mais en ne s’attachant pas au modèle mais directement au manque) et de l’invitation à retrouver le Christ comme objet de notre désir, à se reconnaître humblement pris dans les filets de ce désir compliqué qui nous constitue.  Cet abandon dont elle parle est l’abandon de toutes les rivalités absurdes, la reconnaissance de nos blessures et le refus de tout ressentiment. Chemin qui semble simple mais qui est le chemin d’une vie.
Un girardien peut être surpris par l’absence des médiateurs dans son discours. Mais il est présent et évoqué : Dans une vidéo, on peut se moquer de son ton et langage fleuri, Il faut, dit-elle, être fleur parmi les fleurs. Il faut accepter d’être une parmi les autres, refuser de voir les autres comme obstacle. Aussi, son récit de joie face aux personnes dans un centre commercial est magnifique. Pas de jugement (péché de la pensée), pouvoir s’émerveiller de voir toutes ses personnes exprimer leur désir (quand bien même mal dirigée). S’émerveiller du désir humain, voir la souffrance comme un signe. Acceptation de celle-ci non sado masochiste mais comme symptôme malheureux (depuis le péché originel) d’une rencontre divine heureuse et joyeuse. Je suis présent et je me réjouis de la présence des autres. N’y a-t’il pas ici, une merveilleuse illustration de cette phrase de Girard. Chacun se croit seul en enfer et c’est cela l’enfer.

Il y aurait beaucoup à dire encore, notamment sur le romantisme étudié par Mme Dufief… sur le chemin de résurrection proposé qui est un passage du mensonge romantique à la vérité romanesque. Etc…

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Dans toutes les expressions du mal, il y a une demande d’amour qui est trace de Dieu et demande de dieu.
Face à la souffrance, redonner à Dieu sa place et assumer la sienne qui est toujours une place d’impuissance. Peur, révolte, colère laissent la place au désir d’être aimant.
Aspiration à l’amour mais refus de se laisser aimer.
Solitude, déréliction, drogue du travail.
Souffrance encore, chemin avec le Seigneur.   
Délire mystique, malade du Seigneur ? Importance de la frontière mystico dingo et folle de dieu
Manie : manière maladive d’être dans un présent irréel. Recherche de signes. Malade dans sa relation avec Dieu.
Mais même folle, j’étais encore la bien aimée du Seigneur, maladie d’amour.
Maladie à traiter médicalement, sociologiquement et spirituellement.
Un statut : pour souffrir pour les autres. Car celui qui accepte de tomber dans les bras de la faiblesse rend à tout son entourage le service de permettre la découverte de l’amour désarmé. Tous les malades sont, à l’image du Christ, des « guérisseurs souffrants ».
Arrêt de la lutte frontale.
Arrêt de la question de la vocation pour l’accueil de ce qui est donné.

Cette souffrance ? Trou inévitable  qu’on ne peut combler… On s’en protège, on coupe sa sensibilité.
Lien entre guérir et être capable de souffrance, de l’accueillir pour ce qu’elle est, avec tous ceux qui souffrent. Un peu comme quelqu’un qui, après s’être débattu dans la mer par peur de s’y noyer, découvre qu’il lui suffit de flotter paisiblement. Dès que l’on dit « oui », on est dans la proximité du Seigneur.
http://www.france-catholique.fr/La-Souffrance-desarmee.html

FranceCatholique
Intelligence de la souffrance. Souffrance désarmée car souffrance qui aurait perdu sa révolte, chemin de consentement et d’abandon, lutter par la douceur en épousant mouvement de la vie.
Bipolarité, accentuation de ce que chacun vit et facilite observation de la psychologie humaine (le monde nous ressemble…)
Utilité de la psychanalyse et des cause diverses, mais à un moment, souffrance. Habitation du manque. Fondement de la vie et non maladie…Possibilité de la relation, car ce qui nous sépare de l’autre, désir… Il n’y a pas de victoire finale, il faut acquiescer… Dire oui à chaque instant. Docilité, écoute. Péché, du jugement en pensée…
 


Communion dans la fragilité avec le Seigneur




mardi 9 mai 2017

Solzhenytsine à Harvard


Vous trouverez ci-dessous un résumé personnel du discours de Soljenitsyne à Harvard en 1978.

Vous trouverez ici la version originale et la version française.

Je hais le modèle socialiste soviétique qui m’a persécuté mais vous, occidentaux triomphants, n’êtes pas non plus un modèle pour le monde.
Vous êtes malheureux.
Vous êtes lâches.
Votre confort vous a amolli.
Votre recherche de bonheur institutionnalisée et concurrentielle est contreproductive.
Vous êtes complètement déspiritualisé, regardez votre peu de souci du bien commun et de la défense de vos intérêts !
Vous avez un système légaliste dont vous êtes moralement fier mais qui n’est outil d’expert pour discussions médiocres et paralysée face à la vraie violence et au mal.
Vos thèses sociales de la violence sont inaptes.
Votre liberté des médias est un jeu d’opinion impuni, inutile et nocif et un flot d’information débilitant.
Elle crée une conformité mainstream fière d’elle-même mais nocive.
Vos penseurs originaux sont bloqués face à la pesanteur de la masse abrutie.
Votre art tombe.
Votre élite tombe.
Vous n’avez plus que le vernis de la civilisation.
Vos sourires omniprésents vous cachent à vous-mêmes le combat spirituel sanglant.
Les raisons du déclin ?
Ce n’est pas du premièrement à une trahison mais à votre fidélité à l’erreur d’une pensée moderne humaniste rationaliste du culte de l’homme.
Certes la pensée moderne a fui aussi la pensée médiéviste pour de bonnes raisons, pas assez incarnée. Mais vous avez perdu le fil de la transmission concernant le lien entre transcendance et liberté malgré les hauteurs de l’héritage moral et les merveilles de la miséricorde.
Bref vous êtes en crise spirituelle et en impasse politique comme à l’est.
C’est normal, l’humanisme matérialiste est le creuset de la pensée des deux côtés du mur. Frères jumeaux destructeurs…
Même espoir vain dans le politico-social scientiste.
Même matérialisme sans frein.
Même « libération » de la religion.
Vous avez perdu le sens de la mort, du devoir et des buts élevés.
Rien ne modère plus vos passions.
Nous vivons une époque charnière, soyons en à la hauteur sans mépris de notre nature physique et spirituelle.

jeudi 27 avril 2017

chesterton - why i am catholic ?



Pourquoi je suis catholique ?

Au-delà des bonnes raisons personnelles et sociales, Chesterton défend ici l’idée d’une Église, gardienne de la vérité, seule à même de nous permettre de retrouver les vérités essentielles et de nous éduquer à la raison contre les hérésies et le chaos intellectuel contemporain. Ouvrons les yeux sur les vieilles idées dangereuses recyclées en idée neuves et sexy. Embrassons l'Eglise de tout notre intelligence.

résumons...

Je pourrais faire un listing sans fin et original, dit Chesterton sur les vertus qu'Elle apporte, ce qui est bon pour l’homme…
Je pourrais parler de ma conversion intime mais cela réduirait la chose qui est finalement plus vaste que moi, nous parlons tout de même de la gardienne de la vérité…

Contre les idées nouvelles ??? Pas vraiment, ces idées que vous appelez nouvelles sont des vieilles idées recyclées alors que l’Église ne cesse de de devancer historiquement tout le monde pour le développement des idées véritablement nouvelles qu’elle n’hésite pas non plus à partager. Bref, Elle est l’ennemie des modes influentes.

Chesterton note que ces vieilles idées nocives apparaissent innocentes au prime abord. Exemples : Les actes sont mauvais seulement s’ils nuisent à la société. Nos conflits moraux devraient finir par une victoire du spirituel contre le matériel.

La première phrase finit par l’esclavagisme, et la seconde par le mépris de la création et de son propre corps.

L’Église balise dogmatiquement depuis deux millénaires, les autres écoles de pensée et de spiritualité ne sont pas préparées à tous les dangers

Elle a dans son escarcelle de quoi combattre contre toutes les hérésies présentes et futures, idolâtrique, ascétique, attaque contre la raison humaine des faux pragmatismes humains.

Elle garde le meilleur des hérésies, elle est au-delà des combats mimétiques absurdes comme celui entre les rationalistes et fondamentalistes. La Bible continuera toujours de parler à ce qui a de plus haut en l’homme au-delà de toute allégorie ou de littéralité.

Chesterton diagnostique un monde intellectuel en perdition. L’Eglise est et sera le lieu de la défense de l’homme, il propose quelques mots d’ordre de survie.

Défendons nos truismes humains et rendons les universaux.
Prévenons le morne retour des anciennes erreurs
Rendons le monde intellectuel plus sûr pour la démocratie.
Mais face à ce chaos mental général, les idées sombrent depuis que nous avons abandonné la volonté de conserver la vérité centrale et civilisatrice du Christ qui permet à toutes les autres vérités de se maintenir. Depuis chacun fait sa vérité et nous n’avons plus que l’erreur de l’idéologie.
L'Église est le lieu de ce procès des idéologies.

mardi 18 avril 2017

Pasolini, Badiou, révolution et Saint Paul

Paul Jorion commente ici un livre sorti il y a peu. Un livre des notes de Pasolini sur un film qu'il aurait aimé faire sur Saint Paul mais annulé pour des raisons de budget essentiellement. Badiou a écrit la préface de ce recueil de notes.

Pasolini aurait voulu garder les paroles telles quelles de ses lettres ou les événements de sa vie dans les actes des Apôtres, tout en filmant dans un décor des années 1970 et montrer le caractère révolutionnaire de son discours démolissant "un modèle de société fondée sur l'inégalité sociale, l'impérialisme et l'esclavagisme".
Pasolini se seraient moqué des intellectuels actuels qui discréditent sa pensée (comme les athéniens) même s'il semble que lui même avait du mal avec sa "misogynie" et son "respect des autorités en charge."
Préfiguration de Lénine pour Badiou, instaurateur de l’Église pour créer un sas entre le monde et les groupuscules révolutionnaires qui seront dans le monde et hors du monde. Badiou exprime une comparaison entre le parti et l’Église, toutes deux corruptibles avec le temps. "Le génie qui a créé l’Église  n'y reconnait plus, ou très difficilement, ce au nom de quoi il l'a précisément créée.
Pasolini voit aussi que la difficulté d'appliquer les principes transforment les institutions pour des fins justifiant les moyens vers une situation où cette fin sera sacrifiée.
Le film aurait montré le paradoxe de tous les gauchistes, l'obligation d'une utopie salvatrice et la quasi impossibilité d'une réalisation pratique qui ne se transforme en naufrage ou au contre exemple initial.
Le message parfait de Jésus sera toujours coupé par les institutions sensées le porter, pense Pasolini.
Il ne comprend pas Paul non plus quand il désire maintenir certaines "formes" impossibles à tenir selon lui, les formules doivent mourir vite. Il faut une Église qui contesterait toute forme d'autorité.
Institue la révolution anti institution. Injonction contradictoire où toute utopie se détruit.
Il y quelque chose de chimiquement pur dans la prose de Pasolini tel que rapportée par Jorion...
C'est l'incompréhension de l'Eglise comme lieu de miséricorde et lieu de l'Eucharistie qui représente, elle particulièrement, le principe de la pierre qu'auront rejeté les bâtisseurs sera la pierre d'angle. Bref, Ils jettent le Christ avec l'eau de L'Eglise.
Combien de chrétiens ont conscience de la position de l'Eglise qui comme le Christ est le point stable pour les hommes, elle l'est pour les institutions humaines depuis la venue du Christ ? Peu importe. Vivons ce lieu, comme nous pouvons, comme cette institution anti institution pour être la vraie institution avec ses pesanteurs et ses grâces.




vendredi 31 mars 2017

Colosimo sur l'unité des Chrétiens

A ma première lecture, j’ai beaucoup aimé ce texte-interview de Colosimo sur l’œcuménisme. (a ce propos, il faut à tout prix, que je relise l’apocalypse russe de cet auteur, lu il y a quelques années). Sans naïveté et avec un espoir de conversion pour tous et pour soi même.

Il me présente l’œcuménisme avec le paradoxe qu’il faudrait toujours garder en tête ; fécondité et scandale. Fécondité de l’attention à l'autre, de la formation commune, des priorités, de l’histoire et des grâces. Scandale des haines, et du manque de communion des enfants d’une même foi.

Il note combien cet œcuménisme a percé après la première guerre mondiale ou lors de persécution. Absurdité de la guerre entre ces frères prétendant apporter le salut, union dans les épreuves des persécutions des idolâtries nihilistes vécues ensemble. Sentiment d’urgence historique et appel de l’Esprit Saint.

Mais les obstacles ne sont pas que superficiels.

Colosimo donne l’exemple d’une Eglise préchaldéenne mais qui pourrait valoir pour toutes les Églises. L’obstacle peut être sociologique, pourquoi dissoudre une identité communautaire séculaire base de leur identité et masque de leurs faiblesses ?

Obstacle théologique, nos saint sont vos hérétiques et inversement. Chacune aussi à son réflexe victimaire, quelquefois même partagé sur les mêmes moments historiques. Mémoires blessées et paranoïaques.

De là, les tâtonnements de l’œcuménisme. Le premier réflexe étant de ramener à soi. Ensuite, ce fut de tenter de lire ensemble sans vouloir voir que l’art de l’interprétation diffère radicalement et est consubstantielle à chacun.

La méthode semble être désormais trouvée, accueil de la parole et de l’Esprit ensemble, l’unité n’est pas à bâtir comme un plan ONU mais à accueillir.

Colosimo invite à prendre modèle sur l’institut St Serge, école d’exilés en pleine ébullition théologique parisienne du début XXe.

Invitation au passage de la paranoïa à la conversion (metanoia). Prenons appui sur l’exemple prophétique du pape François. Prenons le risque d’être vulnérable.
Méditons les pères de l’Église, ils jouent une symphonie, il n’y a pas de soliste.

Témoignons de l’incarnation et de la résurrection du Verbe dans un monde qui se déshumanise en croyant capter Dieu.
Le christianisme ne fait commencer et admirons le monde plein de culture prête à se faire baptiser.





prise de note

samedi 18 mars 2017

Magnifique exemple d'illusion libérale

J'aimerais vous faire partager ce petit article très édifiant de Nicolas Bouzou. Il est très représentatif d'une certaine justesse libérale accompagnée de ces grandes illusions. Il aimerait donner un nouvel élan au progressisme dans sa version libérale.
Cet article me permet de reprendre certains articles passés pour résumer ce que je vois comme des gentils impasses orgueilleuses.

Bref résumé et deux citations :

Nous connaissons une mutation techno-technologique en cours, création destructrice sans précédent. Elle n'est pas indépendant à la montée de la violence dans le monde. Perte de repère, blessures narcissiques. Copernic, Darwin. Le fondamentalisme est en réaction à la science qui sécularise.
"Aujourd'hui, l'intelligence artificielle, les nanotechnologies, la génétique, les énergies propres ou la révolution spatiale nous font de nouveau basculer dans un nouveau monde qui tue l'ancien, celui des agendas papiers, de la voiture à essence et des stations-services, de la médecine clinique et du salariat."
D'immenses questions d'éthique arrivent. Ces périodes Schumpeteriennes renforcent le conflit entre les prétendant à une société ouverte et les autres et qui de fait s'allient avec les fondamentalistes religieux et nationalistes.
Dans l'histoire, il y a des déclencheurs et des facilitateurs, mais sur le temps long, les périodes de violence correspondent à des périodes de destructions créatrices.
Tout est toujours une histoire de blessures narcissiques d'un monde en changement. Il n'est point trop question ici de pauvreté mais de refus de l'ouverture et du modernisme. Le terrorisme peut se greffer sur n'importe quel récit qui considère le monde tel qu'il est comme un bateau qui coule. Non améliorable et non aimable. Il partage l'idéologie du c'était mieux avant.
"c'est à nous, les progressistes et les libéraux modérés, de la faire mentir et de bâtir le récit philosophique confiant du monde qui vient, pour contribuer à faire reculer la violence."
Quelques commentaires.
Il y a beaucoup de choses résumées en quelques lignes de cet article. Certes ce n'est qu'un tout petit papier et n'est pas Baverez qui veut mais je suis effaré par le manque de perspective historique, et de non questionnement de l'économie, de la religion et son manichéisme qui lui permet de classer les bons et les gentils par une méthode limitée et anti-religieuse de principe, elle ressemble au méthode mafieuse des défenseurs de la mondialisation. Nous n'avons pas le choix, et tout questionnement de principe sur le bien fondé du progrès est un fondamentalisme, un terrorisme, un homme marqué par l'humiliation narcissique.

Comment discuter ?

Puis je proposer des points de discussion  pour initier un débat.

La violence de l'économie
A Crise de foi
a partir de ce document, j'aimerais interroger Bouzou sur la fin de l'économie. Devons nous la servir ou est elle au service de la population ? Ne voit il pas l'ambivalence de l'économie ? 
Il la voit, il l'appelle la destruction créatrice de Schumpeter, l'ambivalence est dans le mot même, mais celle-ci est montrée pour mieux l'ignorer. Il faut accepter cette violence pour ce qu'elle apporte. État d'esprit d’idolâtre, soyons prêt à tout ce que nous dicte l'idole. Sacrifions, ce qui est à sacrifier. Symbole d'une cléricature qui veut faire le bien du monde entier sans se faire frère.
Bouzou ne voit pas qu'il dit que l'économie est la violence et la barrière des hommes pour contenir la violence. Il avoue la sacralité de l'économie, bonne violence institutionnalisée. Nous vivons la mise en doute de cette violence institutionnalisée. On peut s'effarer devant un monde qui ne croit plus en rien et devenir fondamentaliste, c'est un risque, on peut aussi comme Mr Bouzou jouer au grand prêtre naïf. Croyons, croyons et ne soyons pas méchant. Il aimerait faire revivre la grande flamme du progressisme.

B Déchainement mimétique
Relisons cet article interne
Bouzou est surpris par le déchainement des violences, il parle de blessures narcissiques. C'est très intéressant. Il parle en quelque sorte du ressentiment métaphysique et du ressentiment des looser face aux avancées du progrès. C'est, dit-il, ce que nous avons toujours vu.
Il y a deux choses. Il y a en effet le mimétisme des looser dont il ne voit pas qu'il est le winner. Soyez du bon coté, camarade, dans la folie mimétique moderne de l'appropriation des signes extérieures de succès et d'ouverture. 
Il y a ensuite une lucidité sur le fait que le mouvement progressiste tue les idoles humaines (même si sa version des découvertes galiléenne et copernicienne est une image d’Épinal confortable mais dont il évacue toute subtilité philosophique, voir ici pour les plus courageux). Il demande finalement à ce que les hommes se rendent à la vérité démystificatrice de son progressisme efficace et technologique. Illusion, il surfe sur la vague démystificatrice et joue le bon rôle du progrès sans voir l'ambivalence et en quoi, il est lui même mystifié. Face aux passions de l'inégalité, Bouzou demande aux personnes de prendre leur responsabilité et de penser comme lui au lieu d'être blessé narcissiquement. Je suis un winner, faites comme moi, bande de looser. Mensonge romantique qui part de la vérité du ressentiment et du déchainement mimétique dont il est le grand prêtre. Peut on jouer un jeu idiot, le gagner et reprocher au perdant de ne pas être vainqueur ? C'est le jeu de Mr Bouzou. Il croit à un grand mouvement progressiste croyant que tout le monde acceptant les règles du jeu, il n'y aura plus de ressentiment sur la justice. Bouzou comme tout bon progressiste ignore le risque d'anomie qu'il voit  sans en voir la responsabilité de ce qu'il promeut.

C Le religieux comme source de la violence.
Derrière toutes les illusions invoquées, partout en filigrane, demeure la thèse que la religion, obscurité, est la source de toute la violence.
Tous les progressistes, ici, se donnent la main, du plus grand souverainiste au plus grand mondialisateur. Ceci est bien résumé ici en anglais. ou sur cette image.

Il est intéressant de relire cet article interne (encore !?). Il propose une histoire schématisée du progressisme et montre les dangers du post modernisme. C'est encore un part de vérité de Bouzou, oui, le fondamentalisme est en effet un tentation moderne, mais il ne voit pas que les modèles qu'il donne en exemple sont aussi une tentation moderne. Le technicisme ou le post humanisme qui est une manière comme l'autre d'oublier l'homme.

L'humanisme de Bouzou n'est pas désirable, son ennemi est le notre mais son argumentation manichéenne ne voit pas qu'il peut être, lui-même son frère jumeau. Certes, Bouzou n'est pas ce qui semble le plus dangereux à court terme, n'est il pas une queue de comète d'une ancienne et vieille illusion ?
Une ancienne illusion qui a pu pouvoir prendre sur elle, l'origine de tout progrès sans voir qu'il n'existait qu'un seul progressisme, celui du progrès de l'accueil de la révélation du Christ dans les cœurs. Naïf ? Je ne crois pas.

jeudi 9 mars 2017

Les urgences de Benoit XVI par René Girard



J’ai retrouvé sur le Figaro un texte de 2007 de René Girard où il profite de la sortie du Livre du Cardinal Ratzinger – Benoit XVI, Jésus de Nazareth pour dire combien, encore après Ratisbonne, il est en droite ligne avec le Pape et combien ses travaux font échos aux siens. Au-delà de toute illusion de l’époque historico critique de l’analyse de l’Evangile (et de tout fidéisme de la divinité du Christ), le travail de Benoit XVI montre combien nous pouvons enfin avec tranquillité unir le Jésus historique et le Jésus de la foi.  Combien nous pouvons avec sérénité développer un rapport intime avec Lui, à le découvrir comme unique bon médiateur, lui qui se caractérise par son unité au Père et son imitation.
Le centre de l’histoire devient la Passion, image centrale de la vie du Christ et de la révélation du don total de Dieu. Lieu central de la continuité et de la discontinuité. Jésus fut entrevu par les religions archaïques mais il signe la fin de la continuité sacrificielle, il révèle la violence sacrificielle et place les hommes face au choix de Dionysos ou du Christ, du sacré ou de la sainteté. Et nous met face à l’urgence de la rencontre du Dieu des béatitudes, juste proximité à Dieu avec Jésus, contre les conformismes de la violence planétaire, sacré frelaté et idolâtrique.
Dans cet article, rien de nouveau sous le soleil mais une confirmation synthétique. René Girard se sent moins seul, il est heureux de pousser avec le pape à une lecture eschatologique légitimée par les recherches historiques et exégétiques. Plus que jamais, la violence moderne nihiliste, cachée ou déchainée est le reflet d’une relation blessée à Dieu théorisée inconsciemment par l’archaïsme devenu idolâtrie (l’intuition du Christ est devenue singerie du Christ). Jésus n’est pas un détail de l’histoire, il y est au centre, et sa reconnaissance, son intimité doit nous être chère et urgente pour nous personnellement et le monde.

ci dessous quelques notes pendant la lecture....

lundi 6 février 2017

Grechuta

Magnifique albums
De mon temps polonais, je garde aussi Marek Grechuta. Chanteur des année 70-80 mort relativement jeune. Poésie, tentation avant-gardiste (surtout dans le second album ci dessous), joie des accents polonais, des rythmes, des traditions des mélodies et cordes slaves. Parmi toutes les chansons j'aimerais sauver de l'oubli "Ocalic od Zapomnienia". (2nde vidéo 24.30)
Poésie pour une femme dont nous souhaitons malgré tous les moments partagés oubliés que les yeux et le coeur soient sauvés de l'oubli. Echo pour moi à Baudelaire et au salut dans l'éternité.

 

samedi 14 janvier 2017

Qu'est ce qui fait qu'un roi est roi ? Olivier Py - Shakespeare, Roi Lear

Tout a commencé quand je cherchais des vidéos sur Samuel Rouvillois. Je suis tombé sur cette vidéo que je vous invite à écouter à partir de la trentième minute quand Oliver Py présente avec beaucoup d'érudition sa mise en scène du roi Lear de Shakespeare au festival d'Avignon de 2015. Toutes les critiques ne furent pas élogieuses. Mais son intervention m'a beaucoup intéressé.



Shakespeare a écrit le Roi Lear et Macbeth la même année. Une année d'interrogations sur le pouvoir en pleine crise de légitimité du roi Jacques 1er en Angleterre.
Qu'est ce qui fait qu'un roi est roi ?
Ses habits, sa couronne ? Un chien avec une couronne reste un chien (problématique de MacBeth,
MacBeth découvre quand il a brisé la couronne. La couronne qu'il met sur sa tete n'est pas celle qu'il convoitait. il devient fou.)
C'est la question que se pose le roi Lear, il abandonne ses signes tout en voulant rester roi et voir ce que cela fait ?  Il n'y a pas de légitimité divine à la royauté.
Olivier Py souhaite proposer deux faits à notre compréhension de la pièce, Shakespeare tente de défendre la légitimité du roi Jacques 1er contre tous les usurpateurs et les accusateurs d'usurpation. Ensuite, Shakespeare était catholique. Question insoluble pour la page wikipedia, par exemple, mais que le metteur en scène pose avec force, conviction et arguments intéressants. (Globe theater, moine de Roméo et Juliette)
Il souhaite articuler légitimité divine et personne sans pouvoir spirituel. Or Le roi Lear devient roi quand il est nu et s'interroge sur sa population. Sinon le pouvoir est toujours usurpation. Il le découvre avec terreur et peut être plus fortement quand il retrouve Cordelia, qu'il se réconcilie avec elle avec miséricorde (moment où le nom de Dieu peut être prononcé...). Il le découvre quand il rencontre sa propre mort.
Alors le pouvoir est impossible ? L'emprise de l'amour est la seule royauté et cela se combine avec le retour d'une parole pleine. Comme Cordelia qui la cherche par le silence ou le fou (mêmes acteurs dans les premières représentations à l'époque de shakespeare) qui parle avec sagesse.
Le roi Lear était l'homme de la parole performative. Sa parole ne le devient plus. (J'ordonne, j'exige, je demande, j'attends, j'accepte). La performativité de sa parole semblait assurer le lien entre la parole et le monde. Py créé un lien entre cette pièce et le problème de la politique et du théâtre contemporain. Votre parole n'est pas active, elle est vide.  Il n'y plus rien pour nous unir et nous diriger. Cette fin de la parole signe la dislocation du monde et de la nature représenté par la lutte des frères et contre le père et le symbole d'un monde qui se perd et ne se retrouve plus.
 Retrouvons notre parole pleine, ce que nous ressentons, ce que nous avons vraiment à dire pour refaire l'ordre du monde. Ainsi chacun sera roi si sa parole devient acte.
Invitation à accueillir sa mort, acte d'ouverture et de véritable connaissance par l'humilité. Invitation à garder les fous dans le châteaux, une institution ne vit qu'avec ce qui la critique, qui remet en cause, l'institution ne peut vivre que si elle est bringuebalante.

Ci-dessous une représentation en accéléré et en "sous-titres" explicatifs. Cela rejoint peut être le coté messager un peu trop fort que décrivait les critiques. Une interprétation vaut elle la pièce, mais tout n'est pas interprétation... Difficile combat... 
Le film reprend beaucoup de point développé dans l'interview mais très intéressant.





Ces vidéo variés sur la pièce de Shakespeare me faisait penser à une note ancienne sur la perception anthropologique de la royauté.
Régner revient à garantir l'ordre du monde et de la société, le roi est un personnage sacré.
On ne peut être que fasciné par la conscience anthropologique de Shakespeare. Il dessine un roi Lear qui interroge sa position et qui ne voit pas qu'il disloque par ce même geste l'ordre du monde et de la société. Cette dislocation a pour conséquences de donner des réponses aux questions de Lear. Et toutes les questions sur le pouvoir peuvent commencer à être débattu à partir de ce point.
Py dit on est roi quand notre parole est pleine. Puis je le traduire différemment, seul le christ est roi parce qu'il est le bouc émissaire idéal dont la parole est pleine.
Py élude ce que Shakespeare déniche, le lien entre le roi et le bouc-émissaire institutionnalisé. Le roi Lear se prend sa naïveté comme un boomerang. Quand il n'est plus le roi, il déclenche une crise d'identité et un perte de repère créant violence sans limite et chaos. Il ne découvre pas donc qui est le roi quand il est nu... Il découvre dans sa nudité que son pouvoir ne se tenait que dans sa situation de victime en puissance, dans sa découverte de la part christique en lui. Ecce homo....

Mais Py a raison en disant que cette pièce est terriblement prophétique sur la perte de la parole.
La pièce illustre la fameuse question apocalyptique de Girard. Que se passe t-il dans un monde où les béquilles sacrificielles sont perdues. La pièce en est une illustration. Il ne reste plus que les fous pour dire que le monde l'est devenu, la vanité est partout et la redécouverte de Dieu miséricordieux se fait en prison avec la fille aimante. (Je suis bouleversé à chaque écoute de la tirade "et nous serons espions de Dieu"). Le roi Lear est l'image de notre société chrétienne et naïve qui ne comprend pas l'origine de son propre pouvoir et qui en remettant en cause tout ce sur quoi elle est fondée, s'autodétruit tout en se donnant la possibilité de découvrir la vérité.
Les invitations de Py à retrouver la parole pleine est pour moi une invitation à rencontrer le Christ, à l'aimer et à en faire un ami. (Son invitation théâtrale me séduit moins mais est intéressante ; il la relie à l'incarnation certainement.) 
L'invitation à accueillir la mort est l'invitation à l'humilité. L'humilité contre l'orgueil de ce roi et de notre époque qui a perdu tout sens de la mesure et qui découvre malgré elle le sens profond de la royauté par inadvertance. Mais sa remise en cause toute provocatrice est aussi le chemin qui lui permet de trouver les bonnes réponses.....
Apocalypse forever...