lundi 17 novembre 2014

Justice et ressentiment La marque du sacré chapitre 5 Jean Pierre Dupuy

Et ici, la somme des chapitres...
l'économie théorique et la pensée politique allant avec ne voient pas la menace pour les sociétés du mouvement exponentielle de la concurrence et des passions destructrices.

Le désenchantement du monde (ou désacralisation) est due à l'érosion par le message évangélique des structures religieuses primitives qui étaient aussi des barrières au déchainement du désir mimétique. En cessant de croire aux sorcières, la science s'épanouit et inverse la causalité en attribuant tout à la marche de la raison. Le temps des rites fait place au travail et à l'économie. 
Le débridement des vices (avant limités par les interdits) privés et des passions envieuses ne permettent peut-être pas le bonheur mais la richesse. Le déchainement a des cotés positifs mais a d'autres effets ravageurs notamment sur la santé mentale, le ressentiment domine le monde... L'économie devient l'essence de la modernité, elle se prononce sur la justice sociale. Inversement la philosophie morale moderne ne voit pas qu'elle est prise par les concepts de la théorie économique. Elle se base sur la rationalité instrumentale.
Les théories de la justice de ce style s'inscrivent dans l'arrière fond du christianisme et de l'injonction de se placer du point de vue des petits, des victimes. Ces théories veulent fonder cette injonction sur leurs tautologies logiques, elles reposent sur ce qu'elles veulent démontrer géométriquement. Aveuglement qui les rendent fragiles aux passions destructrices tributaires d'un phénomène religieux auxquels elles n'ont pas accès : le retrait du sacré. C'est dans le domaine de l'économie que cet aveuglement a les pires effets.

1 La justice n'est pas réductible à la logique.

Avant, les institutions savaient créer de la distance, désormais cette institution est la richesse, elle est désirée, comme l'a vu Smith par ce qu'elle concentre la sympathie, l'envie. En pensant à l'injustice, il faut penser au triangle. Or la pensée économique ne pense que le lien sujet --> objet. Cette pensée espère atteindre une société où plus personne n'envie quiconque en prenant des méthodes "scientifiques". Equité = construction de normes éthiques mais elle ne vient pas des analyses des passions humaines. C'est la raison qui blesse un état d'équité. Les sociétés inventent des moyens symboliques qui facilitent la dissimulation des passions comme les règles éthiques. L'indignation morale, aussi, peut être l'expression de l'envie (puritanisme). Cette théorie ne s'intéresse pas au personnes mais au statut et de distribution de richesse.

2 Inégalités sociales et humiliation
Pour contenir les passions de l'inégalité, les théories modernes font des contorsions. Il y a 4 dispositifs symboliques pour que les relations de supériorité ne soit pas humiliante. Ce sont les remparts contre la menace redoutable du ressentiment.

-La hiérarchie
C'est, selon Louis Dumont, La forme sociale des sociétés archaïques. Conception holiste où le tout est un élément supérieur. Le haut n'a de sens que selon cette idéologie, pas de supériorité individuelle. Par exemple la monarchie héréditaire ne se pose pas la question de la qualité de la famille, elle est faite pour en dispenser la société. Le but est toujours d'éviter la mise en concurrence des valeurs individuelles. Dans anciennes sociétés, toute ascension sociale n'est accepté que si on peut l'expliquer par l'aléa ou par la protection de réseau de relations.
-La démystification (Bourdieu)
Elle joue le rôle que jouait la hiérarchie dans le passé. Elle permet d'éviter d'avoir à attribuer au mérite les situations favorables de chacun. On démystifie les valeurs méritocratiques en révélant la transmutation de l'héritage social en grâce individuelle. Le démystificateur devrait n'éprouver aucune admiration pour ceux qui dominent le paysage économique et sociale. Malgré leur discernement de ces ordres, leur gout du social et de la remise en cause est pleinement concurrentielle.
-La contingence (Rawles)

Ou loterie des conditions, les principales théories de la justice comme celle de Rawles sont aussi anti méritocratiques. Les inégalités sont admises que dans la mesures où elles maximisent la situation des plus mal lotis. On rémunérera les talents non pour raison morale mais pour avoir accru le bien être des malheureux. Il entend ainsi neutraliser la loterie naturelle et sociale.
Il existe trois points : A La justice implique une corrélation positive entre talents et efforts et avec parts de la richesse sociale afin que le lot le plus faible soit le plus grand possible. B On n'a aucun mérite à ces talents et efforts. C Donc corrélation parts/talents ne traduit pas un principe méritocratique. Les gens "d'en bas" ne peuvent donc pas en vouloir à ceux d'en haut et devraient même les remercier de n'être pas plus bas. Cela pourrait marcher si tout le monde acceptait que le mérite ne joue aucun rôle. Mais cela est impossible dans un univers concurrentiel. Les gagnants ne veulent pas qu'on les prive de leur prestige ni les perdants de leurs tourments.

-La complexité (Hayek)
Dupuy note la différence entre Walras et Hayek sur la notion de main invisible, composition harmonieuse des comportements ne visant pas l'intérêt commun pour le premier, pour le second, il s'agit plutôt de l'autoorganisation de la termitière. (Imitation plutôt qu'instinct) Tout est comportement individuel puis sélection naturelle éliminant ce qui doit être. Hayek critique alors les politiques sociales car elles sont aveugles, on ne dicte pas à un ordre spontané sa direction. C'est la complexité sociale. Seul un marché peut décider d'une valeur, on ne peut l'anticiper. Hayek comprend que le marché concurrentiel peut exacerber les passions, seul compte l'échec ou le succès. Le remède Hayek la cherche dans le plus vieux recours traditionnel : l'appel à l'extériorité : c'est la "complexité", la dynamique sociale. "On supporte plus aisément l'inégalité, elle affecte moins la dignité, si elle résulte de l'influence de forces impersonnelles, que lorsqu'on la sait provoquée à dessein"
Comme chez Rawles, tout cela marche si on est d'accord avec le philosophe sur l’extériorité. Or, comment ne pas douter ??? L'ordre du marché ne nous enferme-t-il pas dans des impasses.
 
3 Pour un abord anthropologique et politique de la question des inégalités.
-La violence des ressentiments.
Le tragique de notre monde nous doit faire réfléchir sur la violence des passions et refuser les idéologies et la vision économique du monde. Le ressentiment mondial ne doit pas tourner en violence mondiale. Arrêtons de jouer à la géométrie morale cachant mal sa rationalité religieuse.

L'amour propre est force de destruction. Il y a, alors, croisement des regards : l'invidia. L'envie et la jalousie se polarisent sur l'obstacle et élimine toute force de rationalité. La bonne société est celle qui rétablit la transcendance de l'amour de soi (volonté générale). L'obstacle est un autre dont le désir identique au notre se dresse entre nous et l'objet. La passion nait car le rapport à autrui oblitère le rapport à l'objet. La vision éco ne voyant que rapport entre sujets et objet est condamnée à rester aveugle aux passions.

Revoyons ce qu'est l'intérêt : inter esse pour Arendt, c'est ce qui rassemble mais qui empêche de tomber les uns sur les autres. Vivre ensemble dans le monde c'est dire essentiellement qu'un monde d'objet se tient entre ceux qui l'ont en commun, comme une table est située entre ceux qui s'assoient autour d'elle ; le monde, comme tout entre deux, relie et sépare en même temps les hommes." Le ressentiment est la forme ultime du mal. Lorsque aucun intérêt pour le monde ne se tient plus entre les êtres pour les empêcher de tomber les uns sur les autres... " Sans médiation, c'est alors la mêlée, plus d'intérêt propre et d'intérêt commun.
La tache aveugle de Bourdieu et de ces pensées de l'économie est de ne pas pouvoir imaginer la possibilité de ne plus y avoir d’intérêt, plus de commun, ils n'imaginent pas l'anomie... Dangereuse naïveté.

-la sacralisation de la victime

Celui qui se juge en situation d'infériorité se pose en victime, or dans notre monde la victime est sacrée. La sacralisation des victimes est l'obstacle majeur ! L'universalisation du souci de la victime montre l'unité de notre planète. Mais on a pu massacrer au nom des victimes. On se bat même pour être la victime. Morale d'esclave du christianisme dit Nietzsche. Mais c'est un christianisme corrompu.

Bref, traiter l'inégalité avec la théorie de justice donnant un poids trop grand dans la victimisation, c'est aller dans le sens inverse de ce qu'il faut faire : ne plus se rendre complice de la sacralisation de la victime.

-Sortir du modèle victimaire.
Les pauvres acceptent que les riches soient riches mais pas que ceux ci les humilient. Quand vient l'humiliation, vient aussi le statut commode de la victime. La négociation devient impossible. Dans la justice victimaire, le persécuteur est sommé de rétribuer sa victime pour le ressentiment vécu. Il faut pour en sortir retrouver l'égalité morale.
Or les théories de la justice pensent que la société juste saurait se couper du ressentiment. Ils ne voient pas que c'est dans une société s'affichant juste que ceux qui s'y trouveraient en situation d'infériorité ne pourraient qu'éprouver du ressentiment. La géométrie morale ne vainc pas l'envie. Elle nous illusionne et nous éloigne des solutions. Comment minimiser ou réduire les effets du ressentiment ? Les canaliser vers formes bénignes ? 


L'emprise de l'économie sur sociétés modernes ne fait qu'un avec le retrait du sacré qui les constitue, concomitant d'un déchainement de concurrence et des passions toujours plus forte...

Paradoxe : l'économie théorique et la pensée politique allant avec  ne voient pas la menace pour les sociétés du mouvement exponentielle de la concurrence et des passions destructrices. La concurrence est "pure et parfaite". Il suffit de s'échanger des marchandises pour faire société efficace et pacifiée. Cette utopie en forme de cauchemar est peut être le prix à payer par une société désormais dépourvue des protections que le sacré lui assurait. L'économie, à la fois réalité et pensée, occupe en creux la place du sacré. Elle en est la marque suprême.


Plus bas, plus de détails sur ce chapitre...
 




V Justice et Ressentiment
Le désenchantement du monde (ou désacralisation) est due à l'érosion par le message évangélique sur les structures religieuses primitives qui étaient aussi des barrières au déchainement du désir mimétique. En cessant de croire aux sorcières, la science s'épanouit et inverse la causalité en attribuant tout à la marche de la raison. Le temps des rites fait place au travail et à l'économie. Le débridement des vices (avant limités par les interdits) privés et des passions envieuses permettent peut être pas le bonheur mais la richesse. Le déchainement a des cotés positifs mais d'autres ravageurs notamment sur la santé mentale, le ressentiment domine le monde...
Economie, essence de la modernité, car mode de pensée sociale d'appréhension des phénomènes sociaux, politiques et moraux. Elle n'hésite pas à se prononcer sur la justice sociale, la propriété, la justice pénale, inversement la philo politique et morale est prise par les concept de la théorie éco moderne comme Rawles. Quand elle pense la justice sociale, elle prétend se baser sur sa seule rationalité instrumentale, adéquation moyen fin sans s'interroger sur la valeur de ces fins. Pour Weber, cette rationalité est religieuse et parallèle à la montée de l'éthique protestante. Théories combattues, notamment par le darwinisme scientiste vu en partie 3. (darwinisme et Freudisme sont des économisme. Des grandeurs à optimiser).
Les théories de la justice de ce style s'inscrivent dans l'arrière fond du christianisme et l'injonction de se placer du point de vue des petits, des victimes. Ces théories veulent fonder cette injonctions sur leurs tautologies logiques, constructions impossibles. Elles reposent sur ce qu'elles veulent  démontrer géométriquement. Aveuglement qui les rendent fragiles aux passions destructrices tributaires d'un phénomène religieux auxquels elles n'ont pas accès : le retrait du sacré. C'est dans le domaine de l'économie que cet aveuglement a les pires effets.
La justice n'est pas réductible à la logique
Inégalité est un mal ? toujours ? Revenons à la base et donc aux relations humaines, sources de toutes les émotions, richesses, dangers. Les institutions savaient créer de la distance et éviter la mêlée confuse., dans nos sociétés de l'économie, cette institution majeure est la richesse. A. Smith savait que la richesse n'était pas seulement désirée pour les biens et le confort mais parce qu'elle est désirée, elle concentre la sympathie, l'admiration et l'envie qui corrompt la moralité sociale. Et au départ de toute réflexion sur l'injustice de l'inégalité, il faut penser au triangle. La pensée éco réifie la richesse et voit seulement la relation sujet à objet. Elle devient pauvre géométrie morale. La souffrance des hommes est jaugée à l'aune d'une logique triviale. Or l'économie théorique entend concurrencer  la philosophie morale en reprenant avec des méthodes prétendument scientifiques la question de la justice distributive. "L'équité" est réalisée lorsque plus personne "n'envie" quelqu'un, cad préfère la situation de l'autre sur sa propre échelle de préférences.
L'économie théorique peut comparer les situations des individus sans renoncer à l'incommensurabilité des échelles de préférences, pas de comparaisons interpersonnelles. Des êtres sans relations qui "s'envient", très fort. Cette envie est la relation d'un sujet à un objet et non de deux sujets. Les sujets sont interchangeables. Pour eux, cette recherche d'équité est construction de normes éthiques et non analyse des passions humaines. Si possibilité identique, pas de risque d'envie. Si passion il y a, Rawles dit que c'est du "ressentiment". La raison conduit vers l'égalité et donc l'équité entre les hommes. C'est la raison et non l'amour propre qui blesse un état d'équité. Naïveté. Le respect de soi même nous cache nos envies. Les sociétés inventent des moyens symboliques qui facilitent la dissimulation comme les règles éthiques, dans les sociétés protestantes, c'est la forme de l'indignation morale par lequel l'envie s'exprime. Mais ce n'est pas pris au sérieux. Les principes de justice de Rawles prennent la forme de leximin comme disent les logisticiens, priorité au plus mal loti, puis à celui qui vient avant dans l'échelle, il ne s'intéresse pas à l'identité du sujet, seulement au rang de la hiérarchie du malheur. Ce n'est pas à la personne singulière que s'intéresse la justice mais seulement à une configuration de la distribution des richesses à respecter. On ne s'intéresse pas au pauvres parce que c'est lui, mais parce qu'il est le pauvre. Actuellement remise en cause de la sur-présence des mathématiques dans l'économie sans réfléchir aux conditions de cette sur présence. Quant on met entre parenthèses toutes les passions ou sentiments moraux entre parenthèses qui accompagnent les rapports entre inégaux alors on peut s'adonner au plaisir de la géométrie sous le couvert d'une science de l'homme.
Inégalités sociales et humiliation
Passion de l'inégalité est sans cesse décrite par philosophes et romanciers, jalousie, envie, haine impuissante, passions démocratiques qui s'enflamment là où elles trouvent le moins d'aliment. Pour les contenir, les idéologies sociales et théorie de société ont du faire des contorsions. Dupuy va examiner 4 dispositifs symboliques qui ont en commun de tout faire pour qu'une relation de supériorité ne soit pas humiliante. Pas forcement efficaces, mais on ne peut les comprendre  que comme remparts dressés  face à une menace redoutable (Hiérarchie, démystification, contingence, complexité.
-La hiérarchie (Louis Dumont)
Selon lui, forme sociale propre à toutes les sociétés archaïques., inégalité sociale, forme de la justice., modernité, conception égalitaire du lien sociale. Mode de totalisation du social englobé dans une conception du cosmos. Pas forme des catégories éco mais renvoient au système des relations sociales garanti par religieux. L'élément supérieur n'est pas supérieur ou dominant au sens ordinaire, différent au sens où le tout englobe les parties. Le haut n'a de place qu'au sein d'une idéologie holiste, système d'idées et de valeurs. Cela ne signifie jamais une supériorité individuelle. par ex la monarchie héréditaire, elle ne pose surtout pas la question de la qualité dont précisément elle doit dispenser. Il faut éviter la mise en concurrence des valeurs individuelles.
Dans anciennes sociétés, ascension sociale n'est légitime que dans mesure où on peut le rendre compte de manière avec aléa, hasard, chance ou protection dans réseau de relations. (anecdote les bonnes raisons pour parler des facteurs d'inégalités qui légitiment les inégalités sont devenues celles qui servent à disqualifier ceux qui en bénéficient aujourd'hui. Eh oui, elles excluent toute référence à la valeur individuelle ou au mérite personnel.
-La démystification
Elle joue dans nos sociétés le rôle que joue la hiérarchie dans les sociétés traditionnelles. Elle évite d'avoir à attribuer au mérite de l'autre la situation favorable dont il jouit. Importance de Bourdieu ici. Après lui, on suspecte les rapports de force et les luttes pour la domination sous le vernis des hypocrisies des légitimités. On démystifie les valeurs méritocratiques en révélant la transmutation de l'héritage social en grâce individuelle. On ne fait que reproduire avec fiction du mérite personnel. Cette sociologie critique prête au social une auto suffisance causale. Donc le démystificateur ne devrait éprouver aucune admiration ni envie pour ceux qui dominent le paysage éco et social. La méritocratie du travail est alors pour eux naïve aux yeux de la sociologie critique : elle trahit la vérité honteuse de l'ordre social avec ses luttes et arbitrage. Pourtant, il est évident que la démystification est fille de l'esprit concurrentielle. Si elle refuse la concurrence, ce n'est pas par manque mais par excès d'esprit concurrentiel.
-La contingence
Ou loterie des conditions. (Rawles.) Les principes des théories de justices sont non méritocratiques. Celle de Rawles par exemple. Inégalités seulement légitime si elles maximisent la situation des plus mal lotis. Ceux qui en font plus le font souvent pour gagner plus, dans la justice Rawlesienne, on rémunerera aussi les talents non pour raison morale (méritocratie) mais afin d'atteindre une fin morale (accroitre le bien etre des malheureux). Il entend ainsi neutraliser l'inégalité due à la loterie naturelle et sociale.
3points : 1La justice implique une corrélation positive entre talents et efforts et avec parts de la richesse sociale afin que le lot le plus faible soit le plus grand possible. 2On n'a aucun mérite à ces talents et efforts. 3Donc corrélation parts/talents offres ne traduit pas un principe méritocratique.
Cette formulation rend vulnérable à gauche, (on légitime les inégalités par la nature) et à droite (on prive l'individu de ses dons).
Société de Rawles recherche d'équité mais inégalitaire car donnant  à voir les différences d'aptitude. Les plus bas ne peuvent s'en prendre à ceux d'en haut et même être reconnaissant de e qu'il ne sont pas plus malheureux. L'envie a le champ libre, il faut supprimer le mérite, car c'est penser que l'autre mérite sa bonne fortune qui déclenche les feux de l'envie. Le pauvre n'aurait à souffrir d'aucun complexe et le riche n' a aucune raison de se sentir supérieur car ses aptitudes ne sont là que pour servir et rendre une société plus juste. Cela marche si tout le monde se persuade que le mérite ne joue aucun rôle. Mais dans un univers concurrentiel, l'individu moderne ne supporte pas qu'on lui retire une part de lui-même, son mérite. Les gagnants ne veulent pas qu'on les prive de leur prestige ni les perdants de leurs tourments
La complexité (Hayek)
Même contorsion dans politique sociale de Hayek. Il existe une différence entre main invisible de Walras (composition harmonieuse de comportements qui même s'ils ne visent pas l'intérêt commun mais calcul et rationalité) il s'agit plutôt de l'auto-organisation de la termitière (imitation plutôt qu'instinct) comportements individuelles puis sélection culturelle qui élimine ce qui doit l'être.
Les sanctions de la vié éco sont nombreuses et tombent comme des coups du sort. Or ce que critique Hayek dans les politiques sociales n'est pas qu'elles dérèglent le système des incitations éco. , c'est qu'elle ne peuvent être qu'aveugles car on ne dicte pas à un ordre spontané ce qu'il doit atteindre. C'est sa thèse de la complexité sociale. Nul ne peut fixer la valeur d'un travail, d'un effort etc car seul le marché peut le décider et cela ne peut être anticipées. Les agents ne peuvent avoir accès au prix (savoir collectif) avant qu'ils s'établissent sur le marché. Ex de l'ouvrier français viré car usine décentralisée, il aurait pu prévoir pour émigrer ou se former mais pas possible, processus social trop compliqué (pour ne pas dire le hasard...) Nulle récompense garantie face aux aléas et aux contingence... Hayek comprend que le marché peut exacerber les passions destructrice. Les hommes souffrent de l'envie dans un marché concurrentiel où seuls comptent le succès et l'échec. l'échec étant l'incapacité à servir autrui adéquatement, il entraine perte de l'estime des autres puis estime de soi. Le remède Hayek la cherche dans le plus vieux recours traditionnel : l'appel à l'extériorité : c'est la "complexité", la dynamique sociale. Citation de Hayek : "On supporte plus aisément l'inégalité, elle affecte moins la dignité, si elle résulte de l'influence de forces impersonnelles, que lorsqu'on la sait provoquée à dessein. Dans la société de concurrence, un employeur n'offense pas la dignité d'un homme en lui disant qu'il n'a pas besoin de ses services, ou qu'il ne peut pas lui offrir un travail intéressant. Le chômage ou la perte de revenu pour quelque autre raison, choses qui arrivent immanquablement dans toute société, sont moins dégradante si l'on peut les considérer comme la conséquence d'une malchance, et non pas comme voulus par l'autorité."  Comme chez Rawles, la solution ne marche que si on est d'accord avec le philosophe sur l'extériorité. Qui peut s'abandonner à ces forces impersonnelles présenté comme providentielles par Hayek  ? Comment ne pas douter qu'elles nous conduisent dans la bonne direction. Or l'ordre du marché peut nous enfermer dans des impasses...
Pour un abord anthropologique et politique de la question des inégalités
-la violence des ressentiments
Le tragique de notre monde nous doit faire réfléchir sur la violence des passions et refuser les idéologies et la vision éco du monde. Le ressentiment mondial ne doit pas tourner en violence mondiale. Arrêtons de nous amuser et soyons à la hauteur des questions. Mesurons les passions humaines grâce aux classiques. ex Jean jacques et son amour propre (discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes) en opposition avec l'amour de soi dans l'état de nature. Dans Rousseau juge de Jean Jacques : passion primitives faites pour notre bonheur mais quand détournées de leur objet sur un obstacle, elles s'occupent plus de l'obstacle pour l'écarter que de l'objet....les passions deviennent irascibles et haineuses. Nous nous comparons et la jouissance devient négative par le mal d'autrui.
Amour propre force de destruction. il y a croisement (des regards (dit Dupuy)) l'invidia, l'envie. , la jalousie qui se polarisent sur l'obstacle et élimine toute force de rationalité. La bonne société est celle qui rétablit la transcendance de l'amour de soi (volonté générale). L'obstacle est un autre dont le désir identique au notre se dresse entre nous et l'objet. La passion nait car le rapport à autrui oblitère le rapport à l'objet.. La vision éco ne voyant que rapport entre sujets et objet est condamnée à rester aveugle aux passions.
On ne peut expliquer le 09/11 par les croyances et intérêts des auteurs. On fait fausse route si on parle de l'altérité radicale des criminels. Non, ils veulent la même chose que nous et animés par passion de concurrence. Le ressentiment explose avec la mondialisation. L'être fasciné par ceux qu'il juge, malgré lui, supérieurs à lui, s'écrase tragiquement sur tous les obstacles qui se trouvent sur son chemin. Ils s'occupent plus de l'obstacle que de l'objet.
Revoyons ce qu'est l'intérêt : inter esse : Arendt c'est ce qui rassemble mais qui empêche de tomber les uns sur les autres.. Vivre ensemble dans le monde c'est dire essentiellement qu'un monde d'objet se tient entre ceux qui l'ont en commun, comme une table est située entre ceux qui s'assoient autour d'elle ; le monde, comme tout entre deux, relie et sépare en même temps les hommes." Le ressentiment est la forme ultime du mal. Lorsque aucun intérêt pour le monde ne se tient plus entre les êtres pour les empêcher de tomber les uns sur les autres... Sans médiation, c'est alors la mêlée, plus d'intérêt propre et d'intérêt commun.
Ce qui explique ce qui est sain dans la logique de l'intérêt. La tache aveugle de la vision économique et de Bourdieu, c'est que faisant de l'intérêt une donnée indépassable de la nature de l'homme, elle n'imagine pas la possibilité qu'il n'y ait plus d'intérêt, plus d'objet, plus de monde commun-simplement la violence pure. On n'a aucune envie de se moquer de sa naïveté ou de son innocence, car celles ci, dans l'état actuel du monde, sont des fautes graves.
-La sacralisation de la victime
Notre obstacle pour saisir la situation sur la question de l'inégalité. (et pas besoin d'une géométrie morale)  Celui qui se juge en situation d'infériorité se pose en victime, or dans notre monde la victime est sacrée. La sacralisation des victimes est l'obstacle majeur !
L'universalisation du souci de la victime montre l'unité de notre planète. Mais on a pu massacrer au nom des victimes. On se bat même pour être la victime. Morale d'esclave du christianisme dit Nietzsche. Mais c'est un christianisme corrompu.
Evolution ? Gans : De la même façon que l'holocauste a inauguré l'ère postmoderne en faisant du ressentiment victimaire le critère principal de tout changement politique, le 11 Septembre y a mis brutalement fin en démontrant les horreurs auquel ce type de ressentiment peut conduire. La fin de l'idéologie victimaire signifie t elle que nous ne devrions plus rechercher la justice ? Evidemment non. Mais elle signifie que désormais, ce n'est plus simplement en "prenant le parti de la victime" qu'on peut le faire. En voyant l'antiaméricanisme et l'anti Israel monter en 2002, Washington post pensait au retour de l'antisémitisme millénaire de l'Europe. L'anomalie historique est l'absence d'antisémitisme pendant 50ans. Les juifs ne doivent plus manifester leur confiance, horreur s'il refusent le statut de victime.
The economist dit, non, ce n'est pas l'antisémitisme qui monte, c'est l'anti antisémitisme qui descend car le 9/11 a désacralisé le statut de victime.
Bref, traiter l'inégalité avec théorie de justice donnant un poids trop grand dans la délibération c'est aller dans le sens inverse de ce qu'il faut faire : ne plus se rendre complice de la sacralisation de la victime.
-Sortir du modèle victimaire
Roland Hureaux sur al Qaida : Le ressort du terrorisme est l'humiliation. Les pauvres acceptent que les riches soient riches mais pas que ceux ci les humilient. Négation de dignité. Gans: Lorsque le puissant humilie l'autre, il l'incite à s'installer dans le statut commode de victime. La négociation devient impossible alors. Dans le cadre de la justice "victimaire", c'est l'inférieur qui domine le supérieur, le persécuteur est tenu de rétribuer sa victime pour le ressentiment éprouvé. Pour sortir du piège, il faut instaurer un dialogue pour rétablir l'égalité morale. On le voit par les conflits de classe du XXeme, de la lutte des classes à la concertation sociale. (même si victimaire existe dans relation de travail en France...) Au brésil (société anciennement holiste et hiérarchique passant rapidement au modèle individualiste.) La gauche voit les inégalité plus comme l'arrivée de l'individualisme que comme trace de l'ancienne société, elle démystifie par ailleurs la vision d'un pays sans racisme. Nous sommes différents mais unis et non l'inverse comme USA. La gauche dénonce ce holisme car corrélation entre couleur et inégalités. Elle joue sur deux tableaux. Discours marxiste et discours victimaire raciale. Les exclus d'aujourd'hui sont les victimes des crimes anciens  par société esclavagiste. Erreur des théories de la justice est qu'ils estiment qu'il existe une solution au problème de la justice et que cette solution résout du même coup le question des passions destructrices.
La société juste saurait se couper du ressentiment. Ils ne voient pas que c'est dans une société s'affichant juste que ceux qui s'y trouveraient en situation d'infériorité ne pourraient qu'éprouver du ressentiment. La géométrie morale ne vainc pas l'envie. Elle nous illusionne et nous éloigne des solutions. Comment minimiser ou réduire les effets du ressentiment ? Les canaliser vers formes bénignes ?
L'emprise de l'économie sur sociétés modernes ne fait qu'un avec retrait du sacré qui les constitue, concomitant d'un déchainement de concurrence et des passions toujours plus forte...
Paradoxe : l'économie théorique et la pensée politique allant avec  ne voient pas la menace pour les sociétés du mouvement exponentielle de la concurrence et des passions destructrices.  La concurrence est pure et parfaite. Il suffit de s'échanger des marchandises pour faire société efficace et pacifiée. Cette utopie en forme de cauchemar est peut etre le prix à payer par une société désormais dépourvue des protections que le sacré lui assurait. L'économie, à la fois réalité et pensée, occupe en creux la place du sacré. Elle en est la marque suprême.






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