dimanche 8 septembre 2013

Camille Tarot sur le sacré

J'apprécie beaucoup la clarification et la perspective historique qu'apporte Camille Tarot, professeur de sociologie. Il parle ici succinctement de son livre (le symbolique et le sacré, théorie de la religion) et finalement de sa longue expérience de la haute tradition française universitaire sur son interrogation sur le sacré, il essaie de dérouler le fil de cette histoire et désigner les pièges sémantiques. on peut regretter un manque de nuance dans sa réhabilitation du sacré mais son travail me semble très important.

Il souhaite avertir que la question du divin est secondaire dans un premier temps (très intellectuelle finalement), il y a d'abord dans les sociétés, la distinction entre  le sacré et le profane, le pur et l'impur qui a été perçue de manière variée
Il présente Durkheim comme le grand prophète de Girard, prophète non écouté avec son intuition de l'objectivité de la présence de la religion. Faire confiance aux primitifs et principalement à leur pragmatisme. Il pense que Girard marche sur ses traces (ainsi que celles de Mauss) à partir de sa théorie du désir mimétique
Il y eut ensuit l'influence protestante et neokantienne d'Otto privilégiant la piste symbolique du sacré amenant petit à petit la structure familiale et sociale de Levi-Strauss. N'oublions pas la perspective économique ou matérialiste. Toutes celles-ci refusent à la religion un rôle centrale ou explicatif global.

Tarot développe la thèse Girardienne qu'il trouve très convaincante (Mais ne veut pas pour autant sacrifier la dimension symbolique). Il pense que le sacré est un système de protection, un régime de séparation qui permet l'interaction. Le sacré est ce qui protège le profane ou ce qui doit être protégé lui-même. Que l'on sacralise l'homme ou le lion, on peut mettre en cage les deux si l'on veut au choix protéger le sacré de l’extérieur et le mettre en cage ou préparer des cages contre ceux qui peuvent l'attaquer, selon ce que l'on considère pur ou impur.
Tarot, ensuite, nous conseille de lire Dupuy et les marques du sacré pour se convaincre que si la structure du religieux s'est éclipsé dans notre société moderne (Mondanisation du Christianisme ?), il a existé de nombreux ersatz de sacré, le plus évident est l'économie et sa capacité de contenir la violence.

Mais arrivons nous vraiment à contenir l'économie ? Tout est il échangeable à l'infini ? N'est ce pas un chemin de destruction? Face au risque de destruction qui a toujours inquiété les hommes et que nous ne réfléchissons plus malgré une économie de plus en plus poison et non médicament.... Ne faut il pas retrouver la préoccupation de l'apocalypse, notamment par le rite du catastrophisme éclairé. (rite car : croire sans y croire tout en y croyant).
Il faut se préoccuper du sacré pour comprendre ce qu'il contient, ce que l'on veut protéger, arrêter de se moquer des rites tout en se méfiant de sa tendance à la violence.
J'aime beaucoup la conclusion de tarot, le sacré est l'inverse de la différenciation des sociétés et même encore de l'indifférence. Le sacré est l'opposé du nihilisme. 

Revenons à la raison par le religieux, l'instance de base de notre monde et de son appréhension.... Après cela, il suffit de ne pas se tromper de religieux.... 


On trouve la vidéo ici:

Résumé plus détaillé de la vidéo :




Ancien professeur de sociologie de la religion et auteur du livre « la symbolique et le sacré », theorie de la religion.
Il a étudié profondément 9 auteurs francais (Émile Durkheim, Marcel Mauss, Mircea Eliade, Georges Dumézil, Claude Lévi-Strauss, René Girard, Pierre Bourdieu et Marcel Gauchet...) et tente une synthèse et une opinion personnelle.
Il reconnait d’abord que nous sommes perdus dans les définitions et notre maniere d’appréhender le sujet. Beucoup de conflit depuis Durkheim.
Notre mot sacré vient du 12ème siecle, le mot s’oppose au profane et touche tout un tas de domaine, sacré college, admiration, terreur, attraction, le thé de 5h peut l’etre aussi. Intangible et inviolable. Amour sacré de la patrie... Il y aurait un sacré laic... Introduction de la problematique de l’impur et du pur. Les intégristes le regrettent, c’est une émotion aussi, esthétisme ? Meme mot pour la patrie ou la protection de la vie... Terme embarrassant...
Le livre est un tournoi entre les principaux auteurs sucités, il a évalué le jeu de chaque auteur. D’habitude tous ceux là ne s’écoutent pas. (il faudrait faire le meme bouquin avec les allemands et les anglais et discerner les themes surinvestis et ce qui se recoupe...)
La France a commencé avec Durkehim avec une méthode objective  (Durkheim) puis subjective puis le structuralisme est apparu apres la guerre (echec selon l’auteur)
Durkheim donc d’abord est tres influencé par l’anthropologie anglaise, perception de la religion comme administrateur du sacré. Parrallelement Mauss observe un parrallele entre concentration des populations et le sacré, don et contredon. Durkheim construira une thèse ou le sacré serait la premiere institution, toutes les autres sont sorties d’elle. Le sacré est une réalité objective. La science de l’homme en société est d’abord science de la religion. Idee choquante à l’époque du marxisme et du libéralisme ou tout se fonde sur l’economie.


Cette these s’oppose aussi avec la gauche francaise, qui comme Gauchet voit la base de la société comme politique. Cela s’oppose avec les theses de Levi-Strauss qui pensent que les premieres institutions sont la parenté, circulation des femmes et alliances de femmes.
Pour Durkheim, la religion est un fait qui s’impose.
Aujourd’hui, nous vivons un individualisme religieux mais  « Une religion est un système solidaire de croyance et de pratique relative des choses sacrées, séparés, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale appelé Eglise tout ceux qui y adhérent ». Il faut croire que rien n’est absurde. Nombres de nos institutions ont gardé les traces du sacré (inceste et propriété privé parmi eux). Durkheim s’interroge avec Hubert et Mauss sur le sacrifice, ses modalites, son universalité. Il le rapproche du meurtre, de l’énigme de la destruction, exces de zele passionné, le rapproche du droit pénal.
Apres L’objectivisme de Durkheim, le sociologue Otto va réveiller le subjectivisme dans l’analyse du sacré non comme un phénomene social mais un phenomene subjectif. Le sacré se caractérise par le fascinans et tremendum. (influence du protestantisme et de Kant).

Le structuralisme a ensuite essaye de dépasser ces deux visions. Il s’est beucoup appuyé sur le totémisme. Totem, outil conceptuel pour penser analogie, homologie et ressemblances. Signification matérielle et symbolique... Mais finalement pas de sacré. Pour Levi-Strauss, définition de la culture : Ensemble de système symbolique où langage, règle matrimoniale, règle économique, art et religion. La religion est la 5 roue du carrosse.

Puis Girard vint, nos désirs sont mimétiques, nos désirs sont hétéronomes, nous avons toujours besoin d’un modele en conséquence le désir est gros d’une violence rivalitaire. Par l’aide  de la littérature, il découve par exemple que la tragédie est la mise en scene d’un conflit illustrant la crise sacrificielle, ou comment un sacrifice resout le conflit communautaire. La tragédie décrit aussi comment les différences s’estompent et comment l’indifférenciation s’installe et prepare la violence incontrolable. La crise détruit les mythes mais la foule va se réconcilier par un bouc émissaire convergeant. La violence est ainsi en meme temps rejeté et toujours présente.
Aujourd’hui, la sociologie fancaise est divisee entre Levis traussien et Durkheimien. L’homme est pris par le langage pour les uns, la sociabilisation est toujours excluante pour les autres, violence qui appelle un controle de la violence.
Tarot se prononce d’abord en disant qu’il faut concilier le symbolique et le sacré et continuer le travail de Durkheim tel que Girard l’a affiné.
La question de Dieu est pratiquement intellectuelle, notre tradition a pu nous empecher de penser la dialectique du sacré et du divin, tout comme celle du pur et de l’impure qui a pu etre si évidente ailleur (Inde) elle est finalement tres proche de celle du sacré et du profane.
On peut voir cependant qu’a été sacralisé, les choses les plus diverses, des plus violentes (natures ou communauté humaine) mais aussi les plus faibles.
Il faut voir la religion comme un systeme de protection, un regime de separation qui se transforme en possibilité d’intéraction. Ainsi le sacré est ce qui protege le profane ou ce qui doit etre protégé. En occident, l’homme est à protéger. C’est une sacralisation.
Mais qu’on sacralise l’homme ou le lion, on peut toujours mettre soit l’un, soit l’autre en cage, selon ce que l’on considere l’un des deux comme le danger ou bien ce qui est fragile, pur ou impur.
Dans la société moderne, le sacré semble avoir disparu. Dans un certain sens, cette modernité est la mondanisation du Christianisme en prenant l’optimisme de la realisation du royaume de Dieu sur terre et ou la sacralisation serait dépassé. Mais on ressent le renouveau de cette sacralisation dans la postmodernité, retour a la sacralisation, au sanctuaire (parc eco, patrimoines. Il faut lire aussi, la marque du sacre de Dupuy, la société désacralisé porte en elle le signe du sacré, les élections rituel de l’unanimité, il y a toujours une ruse de la violence du groupe. Le succès de l’économie est toujours du à l’érosion du sacré Mais comment donner des limites à l’économie.  Si tout est échange, comment ne pas détruire ? Il fut repenser le catastrophisme, l’apocalypse et l’intégrer dans notre pensée comme tous les humains le faisaient.  Il faut réintroduire du rite (croire sans y croire tout en y croyant) et ce catastrophisme éclairé en est un.

Il faut donc comprendre le sacré ce sur quoi il touche plutot que sur ces distinctions, que séparer et comment.

Au final, le sacré est l’inverse de l’indifférenciation (ou meme de l’indifférence. Malgré les excès et les carcans du sacré (adoration de la violence ou reification ) le sacré doit être vu comme le contraire du nihilisme.

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