dimanche 26 mai 2013

Avons-nous besoin d'un bouc-émissaire ? Schwager

Girard a très souvent cité Raymund Schwager.  Le citant souvent comme co-fondateur de la théorie mimétique.(exemple dans cette interview) Compagnon de travail lui faisant "renier" une partie de son livre "Des choses cachées depuis la fondation du monde" sur une interprétation non orthodoxe de l’épître aux hébreux et sur l'acceptation du terme de sacrifice pour Jésus.
Son livre le plus célèbre est celui-ci. En voici une fiche de lecture et quelques extraits qui me furent marquants. J’espère vous faire ainsi partager la lumière de ce beau livre qui me semble tellement nécessaire à chacun. La postface de Girard viendra plus tard dans le temps.
Après un résumé des théories girardiennes, Schwager s'évertuera à montrer ensuite la cohérence de celle-ci par l'unité qu'elles provoquent entre l'Ancien et le Nouveau Testament tout en éclairant d'une lumière aussi nouvelle que traditionnelle le mystère de la rédemption du Christ.
Accepterons nous l'importance du phénomène du bouc-émissaire dans nos vies ?


En introduction, Schwager dit combien l'oeuvre de Girard est importante pour la théologie Chrétienne. Il le dit en 78 après "la violence et le sacré" mais avant "de ces choses cachées depuis la fondation du monde". Le travail de ce livre est de montrer la déflagration que permet Girard dans l'environnement de la théologie qui s'est un peu égarée selon Schwager et s’éloigne de l'essentiel.
Le livre est en trois parties. Un résumé original et protecteur très convainquant des théories girardiennes, une lecture de l'ancien testament à partir de celles-ci puis la confrontation de cette lecture avec le nouveau testament avec pour objectif une interprétation synthétique de l'ancien et du nouveau testament.

I René Girard : La violence et le sacré.
Schwager appuie sur 4 points principaux pour présenter les théories de René Girard

L'importance de la violence et du sacrifice dans les sociétés humaines.
 En quoi la violence est la menace de tout groupe humain, comment le sacrifice et les tabous sont les médicaments et les poisons de celle-ci. La colère et non la sexualité comme dernier ressorts des actes humains.
La mimesis.
Aidé d'exemples dostoievskiens, Schwager montre comment Girard découvre la carence ontologique des hommes. La souffrance de ne pas être Dieu et de voir l'autre comme barrière à ce désir. Il détient la plénitude de l'être et me montre mon insuffisance fondamentale. On peut à la rigueur désirer que les autres nous prennent pour une idole. Mais cette blessure partagée conduit les désirs humains à se confronter et à devenir rivaux ainsi qu'à généraliser dans la communauté la violence. Le sacré est une protection existentielle à la communauté.
Le bouc émissaire
Le Bouc-émissaire est la victime innocente que la communauté croit vraiment coupable. Sacrifiée, elle redonnera la paix et se révélera souvent comme  le dieu de la religion sacrée.
Enfin Schwager défend la théorie contre certaines objections.
Freud à qui la sexualité dissimule la nature du désir. L'attention de Girard à la scientificité de ses recherches. Même par la révélation de la violence au plus intime  des communautés, il permet de voir l'angle mort, le point noir de toute recherche scientifique. Girard est aussi confronté à Hegel, quête de l'universalité et intuition de la violence dans les relations humaines. Pour Hegel, la conscience conduit à la vertu par la disposition au bien de la marche du monde (et par sa ruse). Mais Hegel tout en s'en approchant rate la nature mimétique du désir et le bouc-émissaire.

Tout sacré peut être vu dans une perspective sociale et intersubjective. Alors le véritable religieux n'est-il pas dans cette révélation que Girard voit dans la Bible ? Schwager poursuit la démonstration.

II Ancien Testament : du Dieu de la vengeance au Dieu de la paix


La violence est un thème central de l'ancien testament. Dans un schéma progressif, Schwager convainc à montrer que l'ancien testament est un chemin broussailleux vers la sortie du monde sacré de la violence. Il y a des retours en arrière, des pièges, des découvertes. Il n'y a pas de chemin clair, la représentation est partielle. Mais toute violence divine se révèle être transmise par des intermédiaires et puis petit à petit, de plus en plus clairement, toute violence est humaine. Le lien est toujours réalisé entre mimésis humaine et intervention de la violence divine.


La répulsion que Dieu communique des sacrifices dans Isaïe en est un autre signe. L'intuition girardienne nous permet de lire différemment aussi l'histoire d'Abel et Caïn.
P148 Le texte montre que c’est celui dont le sacrifice n’a pas rempli sa fonction qui est devenu un meurtrier. Ce n’est pas parce que Caïn était mauvais que son offrande a été écarté ; c’est parce que son offrande n’a pas atteint le but souhaité qu’il est devenu rival et meurtrier. Les textes vétérotestamentaires considèrent – en adéquation exacte avec la théorie de Girard- les sacrifices sous un double éclairage. D’un coté, certaines assertions indiquent que la violence surgit là où les sacrifices ne fonctionnent plus correctement. D’un autre coté, à cause justement d’une vue plus pénétrante de l’essence de la violence, l’inefficacité des sacrifices à débarrasser la communauté du mal est reconnue. Caïn a versé le sang car son offrande n’a pas été agréée.
Mais au delà de cette science du sacrifice, Dieu révèle sous son nom, une relation de confiance et de paix qui est exportable dans la société. Au contraire, tout homme ne lui faisant pas confiance se met à portée de la violence et du meurtre. La foi chrétienne pense notamment que le dénominateur commun de l'ancien testament se trouve dans Jésus, ainsi devant les mouvement disparate dans la révélation de la violence dans l'ancien testament ne trouve son ordre et sa clarté que dans l'enseignement et la vie du Christ.

III  Jésus, Bouc-émissaire du monde
Girard pense que sa théorie est déjà là toute offerte dans les Évangiles  A sa suite, Schwager le montre par l'importance de la parabole de la pierre d'angle (Luc 20 ; sa "clef herméneutique"). Signe de l'importance de la violence et de l'incapacité humaine à la voir comme fondatrice. Ensuite, Schwager expose des propos que je trouve très ambitieux. il pousse radicalement le lien entre péché, meurtre, mensonge et méconnaissance de l'homme de les pratiquer. La volonté de tuer et de mentir est le coeur du péché enfoui en l'homme pour son malheur  et c'est la cible de Jésus. Comment lutter contre cet aveuglement et cet entêtement humain ?
Schwager ensuite démontre en quoi Jésus est un bouc-émissaire et en quoi ce thème est central dans les Evangiles. Pour Schwager, derrière tous les boucs émissaires, Dieu est visé, il est donc normal qu'il y ait été vu dans le passé un signe de Dieu dans les boucs émissaires du passé. La violence est enracinée au coeur de l'humain mais ne fait pas partie de son essence.
Partant de là, il explicite la rédemption d'une manière qui m'est tout à fait nouvelle, ou alors plus précise. Par sa mort sur la croix, Jésus a révélé la violence humaine qui fut de tout temps orientée (sans le savoir) sur lui et son père. Il vient pour répondre présent et pour prendre la violence qui lui fut de tout temps (hier, aujourd'hui, demain) attitrée. Jésus est le vrai bouc-émissaire apportant la véritable paix. Le principe païen, comme l'a toujours dit Girard, est l'intuition et la préhistoire de la rédemption.
La parole de Christ devient alors la révélation de l'amour de Dieu car il confronte les hommes avec leur propre violence. La colère de Dieu est la conséquence de la liberté laissées aux hommes dans leurs actions tourné contre Dieu et inversion des relations entre les hommes, la colère est le déchaînement possible de la violence de l'humanité qui n'a plus de sens puisque Jésus y a répondu. Cette violence est ignorance de Jésus. Mais l'Esprit Saint travaille et continue le rassemblement par l'éducation à la vérité des hommes.


En perspective, l’œuvre de Girard, outil de liaison, d’unité et de cohérence entre l’ancien et le nouveau testament.
Œuvre tellement forte qu’on peut se demander pourquoi personne n’avait explicité avant la rancune contre Dieu. La violence aveugle… L’herméneutique de la pierre rejetée a tellement été rejetée que les chrétiens se sont cherché des bouc-émissaire comme les juifs ou bien même Adam d’une certaine manière… Mais cette vérité a agi comme le levain.
Girard aussi est l’accomplissement chrétien des penseurs athées (et souvent anti-religieux)qui ont importé la critique des prophètes dans la pensée des sciences humaines. Mais Girard est aussi le signe d’un progrès de l'époque de cette humanité plus consciente des boucs émissaires et (avec la science) plus consciente de la violence apocalyptique.


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Quelques extraits :

mardi 21 mai 2013

Louis Bouyer et les mythes


J'ai trouvé un extrait du livre de Louis Bouyer sur le blog de Plunkett, il donne chaire à une théorie girardienne sur les mythes mais tout en la développant vers des directions que Girard explore peu.
Les mythes creusent des racines spirituelles essentielles. Si Girard dit qu'ils sont des mensonges ou des sacrifices déguisés, cela ne nous empêche pas, à la suite de Bouyer et de Tolkien, de dire qu'ils sont à traduire et à faire évoluer in vivo pour conjoindre vers la croix du Christ et sa parousie. La où les iconoclastes couperaient la racine, les chrétiens appelleraient à un approfondissement créatif et vrai de cette même racine.



Bouyer raconte son initiation par Joseph Bédier des mythes bretons et celtes et lui a fait connaitre cet autre monde. Celui-ci est présent dans le notre (et quelque fois plus réel) prêt à envahir celui-ci. Tolkien serait celui qui montre comment la révélation chrétienne n'a pas tué les mythes et le monde mythopoéique mais en a renouvelé le sens véritable (Tree and leaf), cette révélation ne déracine pas les espoirs contenus mais fait plonger les racines plus loin encore.

Par l'exemple de la forêt, nous voyons en quoi la nature appelle un monde qui serait la source et l'intuition de la chatoyante, lumineuse et mystérieuse beauté de notre monde.
Tous les symboles de l'éternel retour se transforme en espoir de l'immortalité retrouvée, l'amour tourné vers thanatos est refondu dans la mort du Christ. C'est le temps de l'une fois pour toutes.

A l'instar de la quête du Graal, toutes les histoire mythologiques ébranlées par le Christ ou bien les romans chrétiens ou le mythe affleure, révèle le pèlerinage de l'homme moderne (ou bien l'énéide spirituel comme l'écrit Bouyer), la greffe finale et délicate de l'homme déchu au royaume de Dieu. Cette généralisation se fait dans l'enracinement des cultures et donc aussi à partir des territoires géographiques.
La Bretagne est parfaite pour comprendre ces sensations. C'est ici où nous pouvons comprendre la chasse d'Arthur contre la bête qu'on ne rejoint jamais qui se transforme en la chasse du cerf immaculé nous présentant la croix du Christ où chacun de nous devra se prosterner.




« Le Seigneur des anneaux est bien entendu une œuvre fondamentalement religieuse et catholique ; de manière inconsciente dans un premier temps, puis de manière consciente lorsque je l’ai retravaillée. C’est pour cette raison que je n’ai pratiquement pas ajouté, ou que j’ai supprimé les références à ce qui s’approcherait d’une « religion », à des cultes et à des coutumes, dans ce monde imaginaire. Car l’élément religieux est absorbé dans l’histoire et dans le symbolisme103. » Tolkien Lettres, no 142, p. 172.



« Tolkien en effet, d'accord avec les meilleurs historiens contemporains des religions comparées, comme un Georges Dumézil ou un Mircea Eliade, ne s'est pas contenté de montrer le caractère, non seulement de pérennité mais de vérités essentielles, et pour cela impérissables, des mythes, où s'est projetée l'intuition première du sens de l'univers et de la vie humaine. Mais, comme les meilleurs exégètes […] Tolkien est aussi de ceux qui ont le mieux compris et expliqué comment la nouveauté de ce que juifs et chrétiens ont cru être la parole divine ne pouvait s'exprimer humainement qu'en faisant sienne, fût-ce en les transfigurant, les images des mythes. »
— Louis Bouyer, Les lieux magiques de la légende du Graal





jeudi 16 mai 2013

Maffesoli et la post-modernité

J'ai trouvé cette vidéo fascinante de Mr Maffesoli. Permettez moi, un résumé et quelques commentaires.

Maffesoli s’entretient à propos de son dernier livre appelé "Apocalypse". Il préfère retenir de cette notion la révélation d’un monde qui entre en décadence et il veut percevoir ainsi l’émergence d’un monde nouveau. Pour lui, nous voyons clairement la fin de la modernité et l’arrivée progressive de la post-modernité, d’où la perception apocalyptique du peuple. Il approuve ce changement. La modernité, (en gros) c’est le tripode, raison, travail, progrès. Cela implose et la postmodernité emprunte à la pré-modernité. La flèche du temps s’amenuise, nous revenons à la spirale et à l’éternel recommencement. Car Maffesoli voit la fin de l’influence chrétienne et le retour du paganisme dans cette apocalypse. Celle-la même ne se fait pas progressivement, mais par saturation (philosophie orientale) décomposition et recomposition. Mais cela prend du temps, d’abord secret, discret et affiché. Il y a le signe du romantisme, du dadaïsme, du design et enfin de l’architecture qui lance le nom de post-modernisme. Tout est citation et patchwork, différence et enracinement. le sens et la direction n’existe plus vraiment. Les révolutions juvéniles arrivent et les années 80 en sont le signe éclatant.

Intéressé par la décadence romaine, il dit que c’est un temps de prolifération de loi et donc d’absence de légitimité naturelle. Les anomies (hors la loi) se développent, parmi eux les chrétiens qui par la communauté des saints et le lien entre les communautés prennent la place libre. Aujourd’hui, à la fin de la civilisation judéo chrétienne, ce sont les communautés, les tribus, les club qui par internet deviennent la communauté des saints des temps à venir.

Barbarie ou synesthésie

Maffesoli accorde que nous vivons en décadence mais c’est la chute d’un enfant qui va se relever. Contrairement aux intellectuels (toujours moraux et qui disent non à la réalité) Maffesoli veut croire en la réalité humaine. Nos temps troublés appellent pour lui à un nouvel ordre qui reposera sur Dionysos  Il y aura probablement de la violence mais elle sera limitée et sera à la source d’un nouvel ordre qui ne cherche qu’à s’éveiller, loin de toute morale mais non de l’éthique qui est le ciment de la société. Oui, réinvitons Dionysos, ce métèque ambiguë fascinant qui apporte la violence ritualisée, symbole du désordre refondant l’ordre. Ce chaos n’effraie que l’intelligentsia et les technocrates. Le peuple connait la « sagesse diabolique »

Cette vidéo est fascinante car elle est merveilleusement honnête. Elle discute avec Hadjadj et Girard.
Avec Hadjadj car ils s'accordent sur la mort de la modernité d'inspiration chrétienne, Mais quand Hadjadj s'effraie de l'arrive de la postmodernité niant l'homme, Maffesoli se réjouit de cette décadence et de l'arrivée de ce postmodernisme païen  signe de lendemains vivifiants. Je crois que Maffesoli a raison quand il dit qu'il accepte la réalité. Il y a un coté, je dis ce que j'observe mais il a du mal à cacher sa joie de la mort du progressisme et du modernisme classique et se réjouit aussi de ce postmodernisme dionysiaque qui sera symbole de vie, de désordre et d'ordre qui viendra après la décadence.

Ensuite, avec Girard, car cet homme choisit Dionysos explicitement (cela est même incroyable de clarté), c'est un paganisme assumé. Oui, il faudrait un bon petit sacrifice de Penthée, que le désordre de l'anomie de notre temps se transforme en violence, en sacré et la grace du bouc émissaire fera son travail. Vivement les temps nouveaux....

Trois personnalités se révèlent donc. Dionysos, Penthée et le Christ.
Penthée est (comme le dit Maffesoli) le technocrate, l'homme de l'organisation, de Babel, de la gestion humaine. Celui qui ne pense pas religieux mais qui pense ordre mais qui dans son ignorance du religieux ouvre la porte même aux religieux et au sacrifice que Dionysos conduira. Dionysos est l'homme du sacré et du sacrifice du bouc émissaire, du désordre fondant l'ordre. Jésus est l'homme qui dénonce le travail de Dionysos et le rend petit à petit inopérant.
Aujourd'hui, Penthée règne. Bien entendu il rend l'homme malheureux car l'homme ne se gère pas. Penthée est peut être une préfiguration du moderne. C'est à dire du chrétien déchristianisé. Mais là où Maffesoli appelle à son meurtre sacré, Girard dit que cela ne peut plus marcher. Qui aura raison ? C'est ici que le terme d'apocalypse prend tout son sens. Est-elle cette synesthésie païenne, le symbole d'un nouveau cycle ? ou bien le signe de l'accouchement de cette humanité définitivement privée de ces béquilles sacrificielles ?

Dionysos se meurt, survit ou se déchaîne ?
Ou bien Maffesoli ne passe-t-il pas complètement à coté de l'apocalypse qui est chrétienne par nature et nécessite la flèche de l'histoire qu'il récuse...

lundi 13 mai 2013

Brunor

Rationalisme et créationnisme. Voici un bon exemple de duel footballistique qui nous fait éloigner de la réalité et nous empêche de développer notre raison. Ne faut il pas d'abord un peu d'humilité et essayer avec ses pauvres moyens de comprendre le mystère du monde ? Les mystères et les surprises se multiplient alors plus nous cherchons...

C'est avec cette humilité que j'associe le travail de Brunor  que j'ai pu découvrir par ces derniers albums. Humilité qui entraîne de vraies propositions métaphysiques et une délicatesse envers le lecteur qui ne se sent jamais forcé. C'est une crainte quand on a dans les mains un album d'évangélisation... Mais ici, l'assentiment au fait que la raison et la foi sont faites pour s'embrasser fait que nous sommes des petits enfants face au mystère de la création, de l'évolution, de la religion et des sciences humaines. Le pas de la foi sera toujours à accomplir... le pas de la raison à réaliser...

Pour mieux connaitre le bonhomme, il y a le site ou bien cette interview ou encore cette vidéo

vendredi 10 mai 2013

Concerto en sol majeur de Maurice Ravel

Je devais m'ennuyer ce soir la...

A la philharmonie  on jouait un russe et du Ravel, j'y suis allé pour le russe. Ravel n'est il pas ce français qui me cassait les oreilles et qui méprisait son œuvre la plus célèbre...

Un pianiste espagnol arrive et joue au piano le concerto en sol majeur de Maurice. Le premier mouvement me fait penser à du Gershwin et me conforte dans un dédain autiste vis a vis de l'auteur.
Le deuxième mouvement commence....

Le piano initie sa longue phrase. Prière, méditation, je ne sais, mais tout est devenu plus réel tout à coup.
Plus réel l'air qui nous entourais, plus réel mon corps tendu vers la prière musicale jusqu'à en partager son essence. Miséricorde, baiser chaste, une tristesse remplie d'espérance malgré tout...

Le troisième morceau arrive, virtuose et enlevé comme pour se faire pardonner ou nous faire oublier que nous venions de partager un moment d'intimité amical et profond.
Que cela reste entre nous....




Il est toujours illusoire de partir à la recherche d'un moment de grâce...
Il y a surement beaucoup de bonnes raisons de critiquer Grimaud, mais c'est tout de même merveilleux.
L'interprétation de Bernstein est très belle aussi....

mercredi 8 mai 2013

Ayn Rand

Avez-vous entendu parler de Ayn Rand et du libertarisme américain ? Ils ont apparemment une influence solide aux Etats-Unis (souvent sollicités par les républicains dans une partie de leur mythologie) mais sont pratiquement inconnus en France.
Faisons connaissance ? Egoïsme vertueux ?
Je pense qu'Ayn Rand est moins la fondatrice d'une philosophie qu'une libératrice de pensée philosophique implicite dans une culture ou dans un système humain particulier. Libératrice laissant place à un culte très particulier....
Mais le personnage est fascinant, juive russe bourgeoise émigrée dans les année 20, furieuse du traitement et de l'expérience communiste et des étoiles pleins les yeux des stars, des films américains qu'elle a étudiés en profondeur et pour qui elle travaillera comme petite main des studios et enfin en tant que scénariste.
Puis elle écrira ses livres les plus célèbres (Atlas Shrugged, la vertu d'égoïsme) qui deviendront les étendards de l'objectivisme, du libertarisme... 
Plusieurs manières d'en parler. Soyez égoïste,  c'est la meilleure manière de travailler pour le bien global ? Individualisme roi ? Ce n'est pas, bien sur, si simple.
Ici, on trouve, un résumé de la philosophie Randienne par elle-même.


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1. Métaphysique : la réalité objective
2. Epistémologie : la raison
3. Ethique : l’accomplissement de soi
4. Politique : le capitalisme

Si vous déteniez ces concepts dans une totale cohérence, comme la base de vos convictions, vous disposeriez d'un système philosophique complet pour orienter le cours de votre vie. Mais les maintenir avec une cohérence totale, les comprendre, les définir, les prouver et les appliquer, exige des heures de réflexion.
Ma philosophie, l'objectivisme, soutient que :

1. La réalité existe comme un absolu. Les faits sont les faits, indépendamment des sentiments humains, des souhaits, des espoirs ou des craintes.

2. La raison (la faculté qui identifie et intègre les éléments fournis par les sens de l'homme) est le seul moyen de percevoir la réalité, sa seule source de connaissance, son seul guide d’action et son seul moyen de survie.

3. Tout homme est une fin en lui-même, et non un moyen pour les autres. Il doit exister pour lui-même, et non se sacrifier pour autrui, ni sacrifier autrui à lui-même. La poursuite de son intérêt rationnel ou de son propre bonheur est le plus haut but moral de sa vie.

4. Le système politico-économique idéal est le capitalisme de laissez-faire. C'est un système dans lequel les hommes se considèrent entre eux, non comme des victimes et des bourreaux, ni comme des maîtres et des esclaves, mais comme des commerçants, par des échanges libres et volontaires, dans leur intérêt mutuel. C'est un système dans lequel aucun homme ne peut obtenir quelques chose des autres par le recours à la force physique, et dans lequel aucun homme ne peut user de la force physique contre les autres. Le gouvernement agit seulement comme une agence de protection des droits, il n’utilise la force physique que pour des représailles et seulement contre ceux qui prennent l'initiative de son usage, tels que des criminels ou des envahisseurs étrangers. Dans un système de capitalisme intégral, il devrait y avoir (mais, historiquement, cela n’a jamais existé) une séparation complète de l'Etat et de l'économie, de la même manière et pour les mêmes raisons que la séparation de l'État et l'Eglise.
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C'est très curieux. Je suis tout à fait d'accord avec les deux premiers concepts et suis paniqué par les propos des deux suivants et par l'innocence avec laquelle elle les expose.

En effet, elle commence comme saint Thomas d'Aquin et finit en guide capitaliste pour winneur épris de réussite et d'accomplissement de sa vie.
Elle commence très simplement et sainement. Partons de la réalité, faisons confiance à nos sens c'est la seule manière qui nous a été donné d'appréhender la réalité. Tout homme est une fin en lui-même. Ici encore, je suis d'accord et rien, ni aucune idéologie doit utiliser l'homme comme un outil ou comme la part d'un rouage. Nous sentons ici, la légitime révolte d'une femme qui a vu la naissance du régime communiste en Russie. "La poursuite de son intérêt rationnel ou de son propre bonheur est le plus haut but moral de sa vie." Ici encore, comment ne pas être d'accord aussi ? Comment aller contre l'intuition générale que nous sommes faits pour le bonheur et que même les actes les plus masochistes sont tendus vers ce concept si difficile à définir...

Finalement mon désaccord avec Rand se trouvera sur la manière d'atteindre son propre bonheur. Pour elle, tout se passera sur le refus du sacrifice de soi et par le régime capitaliste le moins contraignant possible. Il n'y a plus de violence car il n'y a plus ni esclave, ni maître, ni victime, ni bourreau et un Etat réduit à minima.



Premièrement, il est difficile de ne pas voir dans les théories de Rand, un négatif du communisme qu'elle hait trop pour ne pas l'imiter. La violence (et donc pour les deux, grâce à l'égalité) se résorbera dans une société sans classe, prolétarienne pour les communistes et entrepreneuriale pour Ayn Rand.

Si dans un cas, par contre, il faut mettre en avant la dimension sociale de l'homme et brimer l'individu, Rand fera l'inverse, il faut brimer tout sens de communauté et magnifier l'individu.

Bref, nous sommes encore face au syndrome de la pièce maléfique, aux frères jumeaux mimétiques s’entre tuant.
Mais dans les deux cas il y a une recherche d'égalité forcenée, l'une trouvée sur les modèles du travailleur manuel pauvre et solidaire et de l'autre sur le self made man autonome, prospère et responsable.

Dans les deux cas, les systèmes ne voient pas que cette uniformisation n'est pas possible (et même pas souhaitable) et que face à cette réalité, nous nous retrouvons avec une guerre de classe épique où tout sens de la dimension sociale de l'homme est brutalisé.

Comment ne pas voir la séduction et l'influence de Rand (ou de ce que Rand a théorisé) dans notre monde
Ne vivons nous pas tous dans notre occident moderne, non dans le paradis du self made man mais dans le mythe de celui-ci. Livre de développement personnel, carriérisme, culte de la célébrité.... Qui est épargné ?

Toute cette culture, ne nous rend que plus visible le kitsch de ce mythe. Le culte de l'individualisme soit disant rationnel et autonome n'est d'abord qu'une illusion. Quels sont les critères de ce succès et du bonheur ? Le dollar, les sourires, l'auto-satisfaction ? En cherchant la réalisation de soi, nos contemporains ne finissent ils pas à célébrer le vide ? C'est cette célébration dont Hadjadj se moque avec raison et y voit le socle de bien des malheurs. (Fuyons les winneurs, ce sont les pires loosers...) Nos contemporains ne sacrifient ils pas le monde sur les autels du dieu dollar et d'une image de soi, une icone sacrée faite pour être regardé par les autres.

Les autres justement.... On ne les évite jamais....

Et le sacrifice ? Non plus.

C'est encore une autre erreur de Rand, de croire qu'il existe une place sans sacrifices. (erreur si tentante où même Girard est tombé à une époque.)
C'est le thème de cet article de Thierry Paulmier, paru il y a quelques années.

L'article est très intéressant mais il absolutise trop à mon gout la différence des deux sur la question du sacrifice. Rand ne prône pas le sacrifice des autres pour l'amour de soi. Elle a été traumatisé par le phénomène sacrificielle communiste "altruiste" et a pensé un monde non sacrificiel basé sur le thème de l'egoisme vertueux. Cela finit en sacrifice des autres car elle pense avoir trouvé un lieu non sacrificiel....

En pensant à Rand, je pense plutôt à ce grain de blé qui refuserait de mourir.

Après ma note sur Quignard, je vois des liens évidents entre les deux auteurs. Toute idée, même subtile, de communauté chez l'homme est un liaison directe avec le sacrifice. Oui, il y a de bonnes idées pour le croire.

C'est ici qu'en tant que Chrétien, on peut se sauver de la relation entre solidarité et violence. L'eucharistie ne nous invite t elle pas à cette communion de l'humanité réunie avec l'agneau ?
L'Eglise comme ce qui préserve et sauve l'individu et la communauté humaine, ce qui fait de nous des individus non vains et une communauté non violente....




lundi 6 mai 2013

Lordon, Spinoza et la domination du capitalisme

Vidéo curieuse que celle-ci... Un peu fouillie  On a l'impression de voir deux amis qui sont obligés de se vouvoyer pour l'émission. Après avoir évacuée la question de la forme de son nouveau livre "Capitalisme, désir et servitude", Frédéric Lordon (CNRS, monde diplomatique) développe des thèses très intéressantes.
Il faut dégriser le gauchisme radical avec les rêves de l'autonomie individuelle et du paradis sur terre. Pour cela il convoque Spinoza essentiellement pour soigner Marx. La violence existera toujours et l'aliénation est une donnée de l'homme.
Il se bat contre le désir captatif et triste du capitalisme, (fun au travail et aveuglement au désir du patron et du capital) pour un monde où chacun aurait un maximum de "conatus" personnel, joyeux et au service de la communauté.
Il a des mots très justes sur les illusions économistes d'une économie pure, parfaitement rationnelle, ne voyant pas qu'elle est d'abord une science humaine qui traite de l'ambivalence des passions humaines et où l'argent est le grand impensé. (Reprise des thèses d'Orléan (et de Girard), sur le concentré de violence et de désir)
C'est très intéressant, mais Spinoza ne voit pas la vanité du désir (ni la blessure ontologique girardienne) et il sera très difficile alors de discerner  le but du désir et même son origine dans les propositions différentes des individus pour eux-mêmes et la société...
Que faire de l'instinct religieux humain ?


Lordon est un économiste pratiquement repenti. Non, il le demeure mais est désespéré par l’illusion de la plupart des économistes à croire qu’ils peuvent transformer leur science en une science dure mathématique et solide sans influence des sciences sociales trop fofolle et non réelle. Nous comprenons que Spinoza a aidé Lordon et lui permet de le délivrer de cette étude de l’économie illusoire. Il est à l’école d'Orléan dont il cite le travail. Nous comprenons que Lordon se situe dans la ligne généalogique d'Althusser (commentateur de Marx), Boyer et donc du matérialisme dont Spinoza est un héros. Il n’y a pas d’idée pure.
D’abord, il s’aide de la philosophie car elle est la mère des concepts
Il dit surtout que Spinoza permet de rajouter de l’anthropologie de la décision, dans les structures que Marx a posé. Il permet de « dégriser » Marx de le rendre moins messianique et de comprendre l’homme de l’intérieur et non seulement dans ses structures et ses sens de l’histoire. Car au cœur du capitalisme, il y a d’abord de l’affect, des désirs, des peurs, de la dévoration, des fauves et des proies…

Les hommes ont un conatus, ensemble des désirs d’agir d’une personne, ensemble des ressorts intérieur d’un homme. Le Libéralisme et le capitalisme serait l’institution généralisée et entrepreneuriale pour faire coïncider le conatus des salariés avec celui des dominants et faire amenuiser les dissonances.
Et en même temps il faut bien manger et il n’y a de critique de l’argent que naïve car l’argent est avant tout un concentré de désir et de violence.
Sur cela, Spinoza aide encore à lire Marx et de ne se faire encore aucune illusion, ce n’est pas parce que nous balaierons le capitalisme et ses rapports sociaux que nous n’aurons pas à faire avec la violence humaine et le désir. Il faut être réaliste sur l’homme.
Or le néolibéralisme veut rendre le salarié heureux… Folie des fun officer et du déni du conatus pour faire des salariés des êtres béats et pliés au grand conatus suprême du chef et de l’apreté. Comment maintenir la violence et le fun encore plus longtemps ?
Aliénation ? Certes, mais de toute façon, c’est la mesure de la nature humaine de s’attacher à la passion et surtout à la passion des autres hommes.
Désespérant ? Réaliste en ce qui concerne notre illusion cartésienne de l’autonomie. Il y aura toujours des puissances d’agir, de contraintes . La violence sera toujours présente.
Quel progrès, nous est possible ? La croissance des affects joyeux, un élargissement des possibles conduits vers la vie humaine et le vrai bien et de déployer ses forces d’agir 



Sur la forme du livre peu accessible...

La recherche n’est jamais vraiment neutre, il y a 2 écueils, se faire partisan contre toute la science et croire en un lieu parfaitement neutre scientifiquement, sans compter les hypocrites… Nécessité de la langue de la recherche.
Dernier livre est plus pour la recherche, nécessité du jagonnage pour l’avancée scientifique. Fermeture nécessaire de la communauté des chercheurs avant de pouvoir se démocratiser d’une manière ou d’une autre…



Sur ce lien, un spinozien formule quelques critiques sur Girard. Rien de très original mais bien écrit. 
Girard est totalitaire, réducteur et rempli d'à priori chrétien et plus particulièrement augustinien. Remise en cause pessimiste du conatus qui conduit à dieu comme seul échappatoire à la désespérance.
(cela me donne l'envie de créer une philosophie Girardo-thomiste... Joie enfantine et joie rédemptrice...)

vendredi 3 mai 2013

Philippe Muray et revolution francaise

Sur cette page du café du commerce, une reproduction commentée d'un article de Philippe Muray sur la révolution française. Même s'ils sont intéressants (mais un peu ésotérique...), j'ai mis de coté les commentaires pour me concentrer sur l'article.
L'objectif de Muray est divers et très classique pour ceux le connaissant déjà un peu. Protestantisation du monde doublé de la croissance du phénomène religieux contre la conscience même de l'homme moderne. L'incarnation est bafouée et l'homme devient un imbécile heureux.
C'est dans cette direction que l'on retrouve cet article. Muray continue perpétuellement sa guerre contre la gnose et l'ignorance moderne de la religiosité naturelle de l'homme.
Sur la révolution française, on peut regretter que Muray évacue toute analyse historico-historique, mais il ne faut jamais perdre une occasion de redire que c'est un événement religieux non chrétien.
Le progressisme devient constamment une triste idolâtrie...



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La révolution est religieuse même si elle s'en défend. Elle s'écarte des religions officielles pour retrouver les religions des tripes, celle du sang, de la foule, du mystère et du délire.
Muray fait part de la différence entre la religion et le religieux. La religion est cette marque des religions établies comme le catholicisme, qui institutionnalise le long processus de désacralisation et le religieux qui sans en avoir l'air nous y replonge. ("Le religieux révolutionnaire croît et embellit du refus de s'avouer par lequel il se fonde et se confirme.")

Retour à l'age d'or, aux sentiments adorés, à l'inconscience lumineuse d'un sacré caché par un fausse plénitude, souvent signe du refus de cette désacralisation. Or la révolution française c'est cela. Au delà de tous les causes historiques, il y a au cour de celle-ci la volonté de s'accrocher au sacré déliquescent pour le faire revenir avec son enchantement, la mort de Louis XVI étant le signe essentiel.

Ce religieux est diabolique (De Maistre avant Dostoïevski l'avait démontré...) car il veux enfermer l'homme dans le sacré. Puis il semble poisseux. Car il est provocateur d'ordre et symbole du désordre...
La guerre à la religion, c'est toujours la guerre pour le sacré.
La révolution est toujours le moment panique contre la sortie du religieux, refaire de l'idole tranquille dans l’intérêt  de l’humanité, of course.

Or, ce n'est plus trop crédible, ni légitime, d'où l'horreur de l'art révolutionnaire qui sent le figé, l'hyperréaliste ou bien le maquillage post mortem, elle est une étape dans l'histoire du rationalisme protestant. Angélisme, iconoclasme (comme l'a montré le vandalisme révolutionnaire...) refus de l'imperfection...

Si la révolution fut dans des pays catholiques, c'est qu'elles n'étaient pas nécessaires dans les pays protestants puisque celui-ci est la tentative de renverser la religion au profit d'un religieux présenté sous une forme rationnelle et sociale. En cela, elle est une "poussée du nord"...


Bref, pour Muray, la révolution est une tentative de revenir sur le processus de décomposition. Le but est alors faire honte aux représentants de la religion et de prendre la place.

Oui, Pour Muray, on ne comprend rien à la marche du monde si on n'écarte le champ religieux.



mercredi 1 mai 2013

Un peu de football...


O football, longtemps, je t'ai aimééé.... Surtout tes représentations.... tes résumes, tes coupes nationales  européenes, les coupes mondiales, tes enjeux merveilleux, tes passes, tes journaux spécialisés
Tes pelouses vertes, tes buts, tes 0-0, tes créatifs, tes brutes, tes faits de jeux, tes héros, tes grandes victoires, tes piteuses défaites... tout cela. Je ne croyais pas ceux me racontant que tout cela est un mensonge ou au mieux un monde de gens inintéressants et plein aux as par le miracle de la médiatisation, du grégarisme, de l'ennui généralisé et la fascination partagée du rectangle vert et finalement la violence autorisée. (Qui me faisait remarquer que le ballon de football avait pratiquement la taille d'une tête d'homme?)

L'interview de Marc Roger est magnifique. Pour ceux qui aurait encore quelques illusions sur le noble sport... L'interview est franche et le bonhomme ne s'imagine pas ce qu'il peut dire de destructeur sur son ancienne vache à lait. argent, pouvoir, manipulation. De l'homme as usual, me direz-vous...

Et pourtant, je t'ai tant aimé... et tu sais comme je te reste fidèle malgré tout... A ma manière...


But du siècle par Millar