mercredi 10 avril 2013

L'introduction de la Conversion de l'art - René Girard

Denier livre officiel de René Girard, il est essentiellement un recueil d'articles, la plupart de jeunesse, mais surtout l'occasion de montrer par l'introduction du livre la genèse de son chemin intellectuel à partir du "désir mimétique"  et  de confirmer " la façon dont [sa] pensée apocalyptique était depuis toujours contenue dans [sa] conception du désir."

L'introduction, seule exclusive, résume le livre et explique le choix de cette collection d'articles, allons y de notre petit résumé.


P28, l'art ne m'intéresse en effet que dans la mesure où il intensifie l'angoisse de l'époque. Ainsi seulement il accomplit sa fonction qui est de révéler.


Intro
Girard présente son livre, un recueil d'article de jeunesse (avant son premier livre en 1961) ou alors de relative maturité et même un dvd d'une interview récente.... Il nous invite sur son propre chemin intellectuel, sa genèse  Qu'est ce qui réunit ses articles? Une conception apocalyptique de l'histoire. Nous avons vécues depuis deux siècles avec des "montées aux extrêmes  catastrophiques mais avec l'accompagnement d'hommes de génies. L'accompagnement de la montée vers l'horreur et de son envers lumineux.

La fin du roman
Saint-John Perse et Malraux furent pour Girard les premières étapes indispensables vers le chemin de la foi Chrétienne et de la théorie mimétique. (à noter, que ce sont aussi des hommes qui ont compté pour l'histoire de France dans leur engagement politique et diplomatique, l'un gaulliste, l'autre anti gaulliste mais probablement ami  l'un de l'autre...) Girard dit qu'il a "joué" Perse au tout début de sa carrière universitaire pour marquer son dégoût du progressisme historique. il voit dans la poésie de Perse un questionnement par l'archaïque du positivisme, la reconstruction du réel se fait par l'apparition de l'apocalypse. Girard commence alors à réfléchir sur le sacré. Chez Malraux, Girard retient l'importance d'une œuvre totalement méprisée par son époque et désormais oubliée, les voix du silence, 1951. Pendant que les esthètes voulait revenir "avant la guerre" pour que "l'art continue", Malraux créait un lien entre violence et art, regroupant seconde guerre mondiale et fétiche, art primitif et apocalypse. Bref, Malraux est un des premiers à dire que l'humanisme progressiste est bel et bien mort. Grace à Malraux, Girard sent qu'on peut atteindre l'essentiel du monde et de nos vies par la parole. Nous sommes dans le "super moderne", le retour de l'archaïsme et la perte du chrétien. Malraux sent aussi la fin du roman, Proust a épuisé la forme. Le roman n'a été que le prophète de l'époque à venir. L'époque nécessite une nouvelle forme que Malraux cherchera par le refus de tout mythe et par la tension vers l'universel, ce que Girard analyse rétrospectivement comme une conversion romanesque.  Malraux était dans le vrai et personne ne l'a entendu...  Girard avoue que la littérature est la base de ses recherches cependant ce sujet est désormais dépassé mais il demeurera toujours le canon des oeuvres romanesques qui ont leur part dans la révélation de la vérité....

Voir absolument cette vidéo 
P16 L'histoire du roman est un peu comme la sagesse biblique. Il doit y avoir là une nécessité irréductible. Je crois que c'est dans le roman que se révèle la vérité, mais en même temps qu'il y aurait comme un canon, des textes canoniques de la révélation romanesque.

Orgueil et passion




Nous continuons à passer la machine à remonter le temps, et Girard parle de l'importance de Valéry et Stendhal dans son périple intellectuel. Valéry est le rêve de l'autonomie indifférente, le solipsisme représenté par Mr Teste. Je savoure mon "moi" pur que les autres ignorent et qui est finalement seul à être. C'est la tentation de la coquetterie ontologique et de l'orgueil. Le refus (stressé et donc dissimulateur) de voir l'autre comme fondateur de son identité. De l'autre coté, il a Stendhal qui a conscience de l'importance de la vanité dans l'identité humaine, il la discerne historiquement. Stendhal voit le monde balzacien, le monde d'après la révolution où chacun est le rival de l'autre. Ce que nous avons gagné en pseudo autonomie, nous le payons en vanité triste. Stendhal ne cessera de chercher la passion malgré tout. Puisque tout est vain, vivons avec passion, jouissance et éloigné du regard des autres. Bref, ce sont deux poses mais Stendhal, lui, ne se prend pas au sérieux...



Désir et Narcissisme
Par la suite, Girard reconnait son inspiration sartrienne. Sartre, en effet découvre dans l'essence une imitation existentielle. Mais celui-ci voudrait purifier l'essence de toute altérité (généalogie de Valery) ce qui est impossible. De plus Sartre condamne le fameux garçon de café qui ne peut trouver son essence, c'est une sorte de foi protestante radicale dans le péché originel. Girard, lui, voit plutôt le péché originel dans le rapport à l'autre mais non dans la conception de soi. Girard se voit comme celui qui dépasse Sartre dans toutes ses analyses, il le voit particulièrement dans le phénomène de la coquette. Stratégie de dissimulation de son désir pour se placer en statut dominant d'autonomie par rapport aux autres. (sur ce sujet, il pense aussi que Molière voit plus loin que Freud qui comme Valéry croit en une indifférence réelle et la croyance de pouvoir se débarrasser de l'autre...) Or le moi est toujours relatif. Et malheureusement, tout comme la montée aux extrêmes  plus je vais vers l'autre pour sortir de moi, plus l'autre va rentrer en lui, et finir par se détourner. La réussite et le prestige sert à croire en soi mais on a besoin de tout le monde pour cela... Toutes ces stratégie de coquetterie, de succès, c'est la mondanité mais elle n'est pas féconde sur le plan de la vérité. il faut accepter l'humiliation de la découverte de son mimétisme pour retrouver le temps perdu.

P21 Le narcissique est celui qui veut être cru indifférent par l'Autre, et l'humilié celui qui croit en cette comédie.

Nietzsche et Wagner


Enfin, Girard prend du temps, comme dans l'un de ses articles, pour débroussailler la relation Wagner Nietzsche qui lui semble importante pour tous les sujets comme l'Europe, la mythologie, le christianisme, le mimétisme...


Car, oui, Nietzsche s'est senti humilié par Wagner dans leurs relations. Il a découvert l'être dans le compositeur lui qui croyait être un Mr Teste réussi. Ecce Homo est l'humiliation refoulée par un pseudo triomphe. Son anti-christianisme sera dicté par la redécouverte de celui ci (et particulièrement de sa compassion) par Wagner. Ce dernier sera toujours à la recherche de la synthèse entre l'archaïque et le chrétien. Déconstruire les mythes mais garder possible la possibilité de l'alliance des deux. 

Girard ne dit il pas que tout son travail est résumé dans la scène d'ouverture de l'or du Rhin ? Celle du Nain Alberich et des trois sirènes, coquetterie, transformation de la valeur, guerre.... Wagner aussi à son insu à l'intuition de la montée aux extrêmes et de la vision du temps linéaire et apocalyptique. (contrairement à l'éternel retour de Nietzsche). Mais l'apocalypse de Wagner est mal définit et n'est jamais dans ses oeuvres en vérité. il sacralise la musique et oublie le rite que Stravinski présentera par l'intermédiaire de la danse afin de révéler purement le meurtre fondateur dans le sacre du printemps




P24 On voit constamment chez  [Wagner] la mythologie se déconstruire du fait d'éléments implicitement chrétiens,et puis se reconstruire. C'est la tentation moderne par excellence.

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