mardi 14 août 2012

vacances et mystères - Agatha Christie et San antonio

Les vacances… Heures bénéfiques aux familles (se souvenir des bons et mauvais moments). Moments perdus où nous regagnons tout, l’essentiel, la joie de vivre, moments privilégiés, nature, se souvenir de la beauté et de la folie de la sensation de vivre. (Être ??)
Temps propice aux romans policiers aussi. Je ne partage pas la mode actuelle aux romans merveilleux, de « fantasy » ou de bouquins policiers genre scandinaves glauques… (à éssayer ?)

Je suis fidèle à Agatha et à San Antonio.
Littérature de seconde zone ! De divertissement !
Certes… Peut être…  non… Oui…

Premièrement, je suis fidèle à Agatha car je lui dois mes premières « sensations fortes » littéraires. Dix ans à peine et les dix petits nègres dans la main, je connus des sentiments nouveaux et pour la première fois un livre, un assemblage de lettres imprimées me foudroyait…

San-Antonio, ensuite, car je suis rarement déçu. Sa réputation le poursuit… Quand, j’en prends un, je pense être déçu… Ecrit trop vite, gaudriole trop rapide, histoire-prétexte pour quelques bons mots, aphorismes et blagues douteuses… et chaque fois, j’en ressors enthousiaste. Néologismes fameux, répliques, images… Les histoires ensuite sont étonnamment malignes. Oui, c’est un plaisir délicat, peut-être même d’esthète…

J’ai donc lu « la mystérieuse affaire de Styles » Le tout premier roman d’Agatha Christie, avec Poirot aussi. J’ai retrouvé tous les petits plaisirs d’Agatha. Des personnages simples mais bien brossés, le plaisir d’une histoire bien préparée, solide, stable, une étude de caractères, un inspecteur surprenant voyant la vérité avant nous et nous mettant que très subrepticement au courant de ses avancées, de ses découvertes, une machine bien huilée pour nous montrer que nous sommes joués par nos perceptions et nos sentiments…. Et à la fin, le feu d’artifice où nous nous réjouissons de la vérité exposée et du meurtrier arrêté. Bien sur, tout cela dans une société aristocratique de classes anglaises…


De San Antonio, j’ai lu « la rue des Macchabés », là encore, j’y ai retrouvé tous les meilleurs ingrédients, des séductions, des pensées misanthropes et tendres, une histoire très astucieuse liée à une problématique générationnelle, nationale et enfin et surtout des caricatures ! Oui, San Antonio est une caricature de flic français séducteur à qui tout réussit avec les femmes, les affaires, le travail, jugeant avec tendresse et exigence ses contemporains, le tout dans une société française caricaturée, la France des années 50-60-70 environ, monde des concierges et gens simples, de la truanderie, de la bourgeoisie françoise. Oui, il faut aimer les caricatures.




En lisant ces deux livres cette semaine, je pensais à notre goût des romans policiers et du mien plus particulier pour ces deux auteurs…
Je pense d’abord que nous aimons les mystères… L’enquête synthétise, réduit en 200 pages et permet de voir en quelques images notre recherche personnelle et métaphysique de la vérité. Tous ces romans sont une reconstitution de la réalité des faits, des causes premières et des fin dernières d’un évènement. Evènement qui est souvent un meurtre ! Nous avons le gout du sang ? Oui certainement et du morbide aussi (c’est ici que je rattacherai la mode du film et du roman policier glauque qui croit gagner en réalisme et ne se complait souvent que dans le triste et le tragique). Mais nos deux auteurs, à travers l’enquête, les interrogatoires, les indices difficilement récoltés, le talent des enquêteurs, nous parlent (inconsciemment ?) de notre difficile recherche de la réalité… Qu’avons-nous vu ? Qui nous manipule ? Qui ment ? En quoi nos croyances sont fausses ? En quoi nous sommes meurtriers ? Qui tue ? Pourquoi ? Christie en particulier joue sans arrêt à manipuler son lecteur. « Vous croyiez cela ? Mais vous vous trompiez ! Vous avez une mauvaise perception de la réalité et de la vérité… »

Les motifs du meurtre, chez Christie, sont bien souvent l’argent, l’amour, l’orgueil, le mensonge, la folie. On retrouvera souvent aussi le couple caché comploteur cherchant à faire vivre son amour sur le meurtre d’une vieille femme à héritage, un passé à cacher, un gout du sang. Tranquillement, Agatha se pose la question de la justice et du châtiment, ses œuvres les plus célèbres n’ont-ils pas ce sujet dans leur cœur (le crime de l’orient express, les dix petits nègres), n’y aurait il pas quelques liens à réfléchir avec Dostoievski ? Dans l’opus lu cette semaine, nous retrouvons le plaisir d’Agatha à berner ses lecteurs, Hastings représentant le gentil idiot manipulé, croyant ce que tout le monde croit et qui passe toujours à coté de la vérité alors que Poirot par ses questionnements décalés va à l’essentiel. Mais plus encore le meurtrier ici manipulera son monde en se présentant d’abord comme bouc émissaires parfait qui sera innocenté… Christie touche là de fortes questions girardiennes, la dissimulation ne se fait plus par le processus de victimisation mais par le détournement de celui-ci. Agatha Christie préfigurant à sa manière Girard dans ce livre ??? Autre point commun, cette pensée instinctive qu’au commencement, il y a le meurtre, ensuite le mensonge, la dissimulation de la vérité, enfin la révélation de celle-ci. (non pas par le sacrifice du Christ mais par la connaissance de l’âme humaine et de faits par l’enquêteur… ) Dans le livre de San A, la meurtrière tue et ment, tue pour quitter le monde bourgeois afin d’en redevenir une plus grande encore, tue ses complices dont son amant, chacun de ces meurtres est caché en accident de vie, provoque le suicide de son père et dissimule le meurtre d’un complice calciné en y ajoutant une carcasse calcinée (elle aussi) de mouton. Là nous voyons l’idée que derrière le meurtre du bouc-émissaire se cache un véritable meurtre….


Bref, San Antonio, Poirot et le Christ même combat ? Dévoiler le meurtre, c’est dévoiler la vérité et la réalité.
Littérature de vacances ? Ou bien littérature spirituelle ?

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